Depuis plusieurs années, le 25 mai est consacré “Journée de l’Afrique”, en commémoration du 25 mai 1963, jour de création de l’Organisation de l’Unité Africaine, OUA, devenue entre-temps UA. Le Parcours D du département de Philosophie de l’Université Félix Houphouët-Boigny dont la spécialité est de réfléchir sur les cultures et les civilisations africaines, avait prévu s’approprier cette journée par le biais d’une activité de réflexion en adéquation avec ses objectifs académiques.
A cet effet, et en recommandation du LMD qui exige l’ouverture de l’université sur la société globale, le département de philosophie avait sollicité un amphi pour une conférence-débat. Cette conférence devrait être animée par Dr Ahoua Don Mello, sur ce sujet : “Quelle place pour l’Afrique dans le nouvel ordre mondial à venir ?” Un courrier de demande de salle a été adressé le 14 mai à la présidence de l’université sous/couvert du Doyen de l’UFRSHS dont relève le département de Philosophie. L’activité devait se tenir le 25 mai et c’est le 20 juin que le Secrétariat général de ladite université a téléphoné au chef de département sa réponse : Niet. Pas de conférence-débat de Ahoua Don Mello sur le panafricanisme au campus de Cocody. Heureusement, un plan B avait été envisagé par les organisateurs.
Pourquoi ce refus ? Est-ce à cause du sujet ? Est-ce la personne du conférencier ? Mais, Dr Ahoua Don Mello a le titre, le grade et la compétence pour un tel débat. Pour rappel, il est le Vice-Président de l’Alliance Internationale des BRICS chargé des projets stratégiques. Comme je le disais plus haut, depuis la réforme LMD, il est recommandé à nos universités d’apporter des réponses aux préoccupations de la société. Enseigner autrement se comprend également comme refus de se calfeutrer entre ses murs dans un ronronnement théorique. Comment articuler les savoirs sur les interrogations de la société si on refuse les débats contradictoires, la collision des idées, le dialogue société civile et monde de la recherche ? Nos universités fonctionnent aujourd’hui comme si certaines idées, voire certains individus n’avaient pas droit de cité. Une sorte de fatwa est lancée contre des idées ou des citoyens. Ces manières de faire vident nos universités, de manière générale, de leur substance. Devenue des caisses de résonance de la pensée unique, ces institutions perdent de leur prestige et de leur qualité. Les enseignants les plus sérieux disent adieu à la recherche et s’époumonent dans des amphis surchargés, en face d’étudiants affamés et somnolant.
La récente tenue du Congrès illustre bien cette dévaluation institutionnelle. Un Congrès n’est-il pas convoqué pour des décisions importantes engageant l’unité nationale, l’avenir même de la Nation ? Convoquer un Congrès pour un compte-rendu oral d’activités ministérielles, c’est transformer le Congrès en grin. De même refuser la tenue de conférences-débats sur les campus universitaires, c’est transformer nos universités en grands lycées.
Thiémélé L. Ramsès Boa,
Professeur titulaire de philosophie à l’Université Félix Houphouët-Boigny ( Côte d’Ivoire)
Abidjan 21 juin 2024