Le monde du football ivoirien est secoué par un scandale judiciaire majeur, mettant en cause le président de la Fédération ivoirienne de Football (FIF), Idriss Yacine Diallo, et le président de la Ligue professionnelle de football (LPF), Salif Bictogo. Leur comparution devant les tribunaux, initialement prévue le 14 décembre 2023, a été reportée au 11 janvier 2024. C’est le confrère d’Africa intelligence qui, dans sa publication du 22 décembre 2023, ébruitait l’affaire.
Idriss Diallo et Salif Bictogo, seront accompagnés de Mamadou Bamba, le patron d’Orange Côte d’Ivoire. Les accusations portées contre eux concernent leur implication dans la société Lagune exploration Bongouanou (LEA), une société minière. Il sont accusés pour ‘’faux, usage de faux, spoliation des actions d’un couple ivoirien, et utilisation frauduleuse d’un permis d’exploitation obtenu illégalement.’’
Selon des documents officiels en notre possession, LEA détient un permis de recherche (n° 303) pour la bauxite dans le département de Bongouanou, délivré par le décret n° 2013-2017 du 22 mars 2017.
Après des années de recherches, LEA annonce avoir découvert du minerai de bauxite sur le site concédé. Cette découverte conduit à l’octroi, par décret n° 2016-896 du 9 novembre 2016, d’un permis d’exploitation (n° 47) d’une durée de 20 ans. Cependant, des éléments suggèrent des irrégularités dans ce processus.
Selon l’article 9 du décret du 9 novembre 2016, LEA a transféré ce permis d’exploitation à une société dénommée “Lagune d’exploitation Bongouanou” (LEB), créée spécifiquement à cet effet. Le transfert a été effectué conformément à l’article 53 du décret n° 2014-397 du 25 juin 2014, qui énonce les conditions légales pour le transfert d’un titre minier en cours de validité.
Transfert du permis d’exploitation frauduleuse
Cependant, des investigations révèlent que le transfert du permis d’exploitation à LEB a été effectué de manière frauduleuse. Contrairement aux dispositions de l’article 53, LEB n’est ni issue d’une fusion absorption de LEA, ni une société du même groupe que LEA, en violation flagrante des conditions légales.
Il est également allégué que Bictogo Moumini a délibérément induit en erreur les époux Guigui Leho, actionnaires de LEA, en affirmant que LEA détenait 90% du capital de LEB, selon une convention minière signée le 3 novembre 2017. Cependant, les informations relatives à la répartition du capital de LEB, à la date de signature, sont fausses. Lizetta Holding détenait 95% du capital, propriété de Bictogo Moumini, et la société Bureautique Informatique (SBI) possédait les 5% restants.
Il est révélé que la société Participation industrielles ivoiriennes Holding (PARIIS) est l’actionnaire majoritaire de LEB, acquérant initialement 42% des actions en septembre 2019. Des accords souterrains entre Bictogo Moumini, Lizetta, et PARIIS ont été conclus avant même la signature de la convention minière, piétinant les intérêts de LEA et de ses actionnaires.
Par conséquent, le transfert du permis d’exploitation à LEB s’est opéré sans contrepartie financière pour LEA, privant ainsi les époux Guigui Leho des retombées financières de leurs investissements. Les documents juridiques de LEB sont remis en question, étant potentiellement entachés d’illégalité et de faux. Cette situation révèle des pratiques frauduleuses compromettant les intérêts légitimes de LEA et de ses actionnaires.
Malgré les récentes tentatives via un cabinet d’avocats, Lex ways (avocats associés), pour nier leur implication, des éléments concrets prouvent le contraire. Notamment, la connexion entre Idriss Diallo, Salif Bictogo, et l’avocat de la société minière LEB soulève des questions intrigantes.
Silence coupable
Contrairement aux affirmations de l’avocat de LEB, Idriss Diallo Yacine, président de la FIF et vice-président de la COCAN, les faits attestent que celui-ci est clairement impliqué. Jusqu’en février 2023, il présidait le conseil d’administration de Lagune exploitation Bongouanou (LEB), après avoir évincé Moumini Bictogo, fondateur de la société. Une réunion du conseil en février 2023 a vu le contrôle de LEB passer à la société Participations industrielles ivoiriennes (PARIIS), dont Idriss Diallo est actionnaire majoritaire.
Mentionné explicitement dans l’ordonnance n°0692/2023 du 23 février 2023 du tribunal de commerce d’Abidjan, Idriss Diallo est acusé d’avoir illégalement évincé Moumini Bictogo de la présidence du conseil d’administration de LEB. En tant qu’actionnaire de PARIIS, il est étroitement lié à la société qui détient la majorité du capital de LEB.
Contacté par message, le président de la Fédération Ivoirienne de Football (FIF), malgré ses multiples engagements liés à la 34e Coupe d’Afrique des Nations (CAN), qui se déroule en Côte d’Ivoire du 13 janvier au 11 février, a exprimé ses remerciements empreints de courtoisie pour le message reçu. Il a également précisé que le sujet en question est considéré comme un dossier de société qu’il ne suit pas directement. Toutefois, il a informé que dans un souci de diligence, il envisage d’approcher le directeur de la société en question (dont le nom n’a pas été décliné), afin de déterminer si celui-ci serait disposé à nous accorder une audience. Avant de conclure ses propos, M. Idriss Diallo s’est efforcé de rassurer davantage en soulignant : « Je ne suis qu’un actionnaire, je ne me trouve pas en première ligne », mettant ainsi fin à l’échange.
Salif Bictogo, actuel président du conseil d’administration de LEB, a succédé à Idriss Diallo à ce poste. En plus d’être président de la Ligue professionnelle de football, il est également propriétaire de la Société bureautique informatique (SBI), une actionnaire de LEB.
Ainsi, il est évident qu’Idriss Diallo et Salif Bictogo sont profondément impliqués dans l’affaire LEB, impliquant des accusations graves telles que le transfert illégal de permis d’exploitation, non-paiement des acquisitions, spoliation des intérêts des actionnaires ivoiriens, et une convention minière entachée de faux.
Sollicité, le président du conseil d’administration de LEB est demeuré silencieux face à notre demande. En revanche, contacté par téléphone, l’un des actionnaires, préférant conserver l’anonymat, a refusé de formuler des commentaires. Il préconise la recherche de la sérénité.
Le scandale révèle les enjeux hors du terrain et les coulisses parfois sombres du football ivoirien.
Nos colonnes demeurent accessibles dans le cadre de ce dossier qui n’en est qu’à ses débuts.
SERIBA KONE
Abidjan, Côte d’Ivoire, le 10-1er-24 (crocinfos.net)