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Bénin/ Harcèlement sexuel dans le milieu sportif : une réalité peu combattue

Messages sur les réseaux sociaux, appels et rendez-vous nocturnes, séances d’entrainement dites privées, regards souvent agressifs et insistants, des incursions dans les vestiaires réservés aux filles… Ce sont là quelques moyens utilisés par certains acteurs du monde sportif béninois pour tenter d’obtenir des faveurs sexuelles de la part de celles qui veulent une chose : réaliser leurs rêves professionnels. Aujourd’hui, nombreuses sont ces sportives qui font face à la problématique du harcèlement sexuel. Encadreurs ou dirigeants, certains ne manquent pas de faire usage de leur statut pour influencer et troubler le moral des jeunes filles.

Aux termes des dispositions  de l’article 1er  de la loi n°2021-11 du 20 décembre 2021 portant disposition spéciales de répression des infractions commises à raison du sexe des personnes et protection de la femme en République du Bénin article 548 nouveau :  « Constitue un harcèlement sexuel, le fait pour une personne de donner des ordres, d’user de paroles, de gestes, d’écrits, de messages, et ce, de façon répétée, de proférer des menaces, d’imposer des contraintes, d’exercer des pressions ou d’utiliser  tout autre moyen aux fins d’obtenir d’une personne en situation de vulnérabilité, de subordination ou en situation de demande d’un emploi ou d’un service public, des faveurs de nature sexuelle à son profit ou au profit d’un tiers, sans le consentement de la personne harcelée  ».

Cette pratique ainsi définie par le législateur béninois est selon plusieurs sources, une réalité dans le milieu sportif au Bénin. Ida Azonsou, footballeuse internationale béninoise évoluant dans le championnat congolais, fait savoir que « le phénomène du harcèlement sexuel dans le milieu sportif et surtout dans le football féminin est récurrent vu que la plupart des clubs de football féminin sont dirigés par des hommes.  Il y a toujours des dirigeants mal intentionnés dans le milieu ». Pour le Secrétaire Général de la Fédération béninoise de football Claude Paqui, « le harcèlement sexuel dans le football au Bénin est officieux ». Il ajoute : « Je ne dirais pas que cela n’existe pas, mais, c’est encore officieux ».

Le fait que l’instance faitière du football béninois n’ait jusque-là pas reçu de plainte des joueuses victimes ne pourrait donc pas justifier l’inexistence de la pratique dans cette discipline.

« […] Il y avait des affinités qui se créaient pour pouvoir être en équipe nationale […]. »  

Comme en football, la pratique semble exister dans bien d’autres disciplines sportives. Dans une publication datant du 19 juillet 2022 sur sa page Facebook, la volleyeuse internationale béninoise de Niort en France, Floriane Armelle Amegnanglo, dénonçant certains faits au niveau de la Fédération béninoise de volley-ball, écrivait : « Finis les violences faites aux jeunes filles pour avoir une place en sélection. […]  Jeune fille sportive, ta présélection ou ta sélection ne se fera pas par un lever de jambe ». Les déclarations de cette joueuse professionnelle sont symptomatiques de l’existence de la pratique au sein de sa famille sportive au Bénin. Elle confie plus tard: « J’ai été joueuse de l’équipe nationale à 16 ans. J’étais la plus jeune et, en ce moment, il n’y avait pas ce genre de choses et au fil du temps que les choses évoluaient, et que la sélection n’avait plus les mêmes têtes, il y avait des affinités qui se créaient pour pouvoir être en équipe nationale ». En parlant de l’équipe nationale de volley-ball dont elle fut joueuse, elle affirme : « des gens proches de la sélection se permettent de tripoter les filles en sélection nationale. Ce sont des choses que j’ai vécues, non pas de façon personnelle, mais j’étais au courant parce que j’étais en sélection. J’ai vu des pratiques. J’ai vu comment ça se passe ». Cette sportive se dit être engagée désormais à pousser les filles victimes du harcèlement dans le milieu sportif béninois à sortir du silence.

Une ancienne capitaine de l’équipe nationale de volleyball, aujourd’hui journaliste et membre d’une Fédération, laisse entendre que la pratique ne date pas d’aujourd’hui. « Le harcèlement sexuel dans le milieu sportif n’est pas une nouvelle pratique. Cela existe depuis bien longtemps. Peu importe la discipline, les filles ont toujours vécu cette pratique, que ce soit avec les dirigeants ou les sportifs hommes, il y a toujours eu ce désir d’obtenir des faveurs chez elle », fit-elle savoir. Parlant d’elle, elle raconte sans nommer ses bourreaux comment elle a vécu pendant une période la pression de certains responsables :  « Tu me plais bien. Cela te dit qu’on prenne un pot le week-end ou après le jeu ? J’ai été harcelé pendant mon passage en sélection nationale de volleyball entre 2005 et 2007 voir un peu plutôt par des personnes qui étaient à des postes de décision et aussi d’autres qui étaient de simples joueurs comme moi, mais qui avaient des attaches avec les dirigeants. En ce moment, la fédération m’a soutenu. Personnellement, le président de la Fédération Béninoise de volley-ball d’alors était informé de tout ce que je vivais et du coup, ça m’est plus facile de lui raconter parfois même avec les identités. Comment il gère ? Je ne savais pas, mais il insistait toujours en disant : « Tant que je n’ai pas son nom sur la liste, il n’y a pas de raison que vous ayez l’accord pour que vous puissiez voyager ». Arrêter leur activité sportive, c’est l’une des décisions que prennent certaines filles pour mettre fin à cette souffrance. La dénonciation n’est pas encore la formule prisée par les victimes.

Le silence des victimes

Entre la peur d’être rejetée par son entourage sportif et la honte de subir des injures, les victimes de harcèlement en milieu sportif béninois préfèrent garder le silence. Le secrétaire général de la fédération béninoise de football, Claude Paqui, indique qu’« il n’y a jamais eu de plaintes pour que les responsables puissent se pencher sur la question ». L’absence de plainte des victimes est ainsi la raison pour laquelle le phénomène n’est pas pris au sérieux par les instances judiciaires.

Pourquoi donc ce silence des victimes ?

La journaliste béninoise, auteur de l’ouvrage ‘’Bris de silence’’ et présidente de l’organisation non gouvernementale ‘’N’aie pas peur’’ Angela Kpeidja reconnue pour avoir dénoncé les agressions sexuelles subits dans son milieu professionnel, indique que « dans notre pays, ce n’est pas un honneur pour une femme de dire qu’elle est harcelée ou violée, parce que généralement, dès que tu le dis, la faute te revient. […] en plus de la souffrance morale subie du fait du harcèlement, pour ne pas être culpabilisées, les filles préfèrent se taire ».

Selon certaines sources, la non-dénonciation pourrait s’expliquer par la volonté des joueuses de ne pas briser un rêve, comme l’indique cette footballeuse qui a décidé de garder l’anonymat. « C’est difficile quand vous êtes en activité d’en parler. Vous vous dites ‘’j’ai l’ambition de devenir footballeuse professionnelle’’ et donc quand on a ce rêve vous vous dites ‘’je fais avec et j’avance’’ ».

« Ça va être compliqué pour ces jeunes filles de s’exprimer. Il y en a qui sont victimes, mais elles sont muettes, elles sont coincées. Elles ne peuvent pas le dire », reconnait Floriane Armelle Amegnanglo qui invite les unes et les autres à en parler : « N’attendons pas d’avoir 40 ans ou 60 ans pour dénoncer. C’est maintenant qu’il faut le faire, c’est le moment de dénoncer pour que ça s’arrête ».

Des pistes de solutions pour lutter contre le mal

Pour lutter contre ce phénomène qui perdure, des stratégies doivent être mises en place au niveau des fédérations, mais aussi des associations défendant les droits Humains et au niveau des structures étatiques dont les premières concernées sont le Ministère des Sports et l’Institut National de la Femme.

« Aujourd’hui, il n’y a pas de cellules d’écoute pour ces filles victimes. Elles n’ont ni au niveau des clubs ni des fédérations, des personnes habilitées à recevoir leurs plaintes et à plaider pour elles », fait savoir Hermione Ligan, membre féminin de la Fédération béninoise de badminton. Elle pense que « la mise en place des cellules d’écoute est importante au niveau de chaque fédération » mais, qu’il ne faut pas que ces mêmes cellules deviennent des gueules de loup dans lesquelles vont se jeter les filles en essayant de se faire écouter. Outre la mise en place des structures d’écoutes pour les victimes, Floriane Armelle Amegnanglo propose comme solution le partage d’expériences.

« Il faut trouver une alternative pour rassurer les filles qui sont prêtes à signaler la pratique avant, pendant et après la dénonciation.  Il faut aussi un partage d’expériences avec les filles et les faire prendre conscience que c’est par uniquement le talent qu’elles peuvent aller de l’avant et non pas en satisfaisant les désirs de ces personnes », fait savoir l’internationale béninoise. Innocente Kouyema reste très optimiste face à l’éradication de la pratique dans le monde sportif béninois. « Ce phénomène s’arrêtera si les filles décident de rompre le silence, parce qu’aujourd’hui, il y a des lois qui les protègent et qui punissent les auteurs de ces actes méprisables ». Le secrétaire général de la fédération béninoise de football pense que « le mouvement doit être suivi. Si dans la société, il y a une lutte contre le harcèlement sexuel, les fédérations vont prendre des dispositions qui s’imposent pour prendre part à la lutte de l’éradication ou la diminution considérable de ce phénomène ».

Trois pistes pourraient entraîner la diminution et même  l’éradication du phénomène dans le milieu sportif béninois. La sensibilisation à divers niveaux, la dénonciation après création d’un cadre professionnel et les sanctions. Du fait de la non-dénonciation de la pratique, des chiffres ne sont pas disponibles, quand bien même chaque saison sportive connaît de nouvelles victimes de harcèlement sexuel.

Par Firmin Kassagan

PS : Cet article a été rédigé dans le cadre d’un programme de formation de l’association Ekôlab (lien à ajouter:ekolab.africa). Retrouvez Ekôlab sur Twitter, Facebook et LinkedIn.

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