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AFRIQUE: En Guinée, l’ami de Sarkozy règne en despote

À Conakry, les prisonniers politiques s’entassent dans les prisons, et l’un d’eux, Oumar Sylla, se trouve en danger de mort selon ses proches. La dérive autoritaire du régime d’Alpha Condé n’a pas empêché Nicolas Sarkozy de faire un voyage express à Conakry – un de plus – et d’y rencontrer le président en tête à tête.

Le 6 août, au cœur de l’été, Nicolas Sarkozy a rejoint Conakry, la capitale de la Guinée, en jet privé, avant d’être reçu au palais présidentiel par Alpha Condé, avec qui il a discuté en tête-à-tête, puis de repartir aussitôt. Au même moment, Oumar Sylla, opposant emprisonné depuis plusieurs mois pour avoir osé défier le président guinéen, attendait de recevoir ses médicaments à l’hôpital, tout en espérant ne pas être à nouveau renvoyé dans sa cellule de la prison centrale de Conakry – un véritable mouroir dans lequel croupissent plusieurs dizaines de prisonniers politiques.

On ignore la raison de ce voyage express de l’ancien président français. S’il le souhaitait discret, le chef de l’État guinéen ne lui a pas rendu service en publiant un tweet dans lequel il annonce avoir « reçu l’ancien président français Nicolas Sarkozy », photos à l’appui. Tous deux se connaissent bien. Ils seraient des « amis » selon des proches du Guinéen.

En 2019, Sarkozy avait mené une médiation entre Condé et Beny Steinmetz (lire ici), un homme d’affaire franco-israélien qui était alors en conflit avec l’État guinéen au sujet de l’exploitation du gisement de fer de Simandou. Cette médiation avait abouti à un accord entre les deux parties. À la même époque, Sarkozy, qui avait multiplié les va-et-vient entre Paris et Conakry, avait également facilité le retour en Guinée du groupe Accor, dont il est un administrateur depuis 2017.

Sollicité par Mediapart, le cabinet de l’ancien président, qui s’est reconverti dans les affaires, notamment en Afrique, n’a pas souhaité en dire plus sur les raisons de cette visite, ni réagir sur la situation politique en Guinée.

Voilà bien longtemps que Condé, ancien opposant à la dictature de Lansana Conté, est considéré par les défenseurs des droits humains comme un ennemi des libertés publiques. La dérive autoritaire de son régime, régulièrement dénoncée par Amnesty International et la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), est particulièrement sensible depuis qu’il a été réélu pour un troisième mandat en octobre dernier, à l’issue d’une campagne électorale délétère marquée par de nombreuses violences.

Même la France a haussé le ton en janvier dernier : pourtant peu porté sur la défense des droits humains, le ministre des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, avait agité la menace de sanctions contre Conakry. Un coup de pression rare sous la présidence Macron, qui est resté de l’ordre de l’avertissement et n’a eu aucun résultat probant. À nouveau sollicité par Mediapart le 16 août, le Quai d’Orsay réitère les propos de Le Drian et appelle à « l’ouverture d’un dialogue politique afin de permettre la réconciliation souhaitée ».

La dérive du régime Condé est aujourd’hui illustrée par la situation d’Oumar Sylla, l’un des plus célèbres activistes guinéens, dont les proches craignent pour sa vie. Sylla est le vice-coordinateur de la section guinéenne de Tournons la page, un mouvement citoyen actif dans une dizaine de pays africains qui milite en faveur de véritables processus démocratiques. Il est également le responsable de la mobilisation du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), une coalition de mouvements citoyens, de syndicats et de partis politiques qui a vu le jour en 2019 dans le but de s’opposer à la modification de la Constitution.

Opposition à un troisième mandat

Celle-ci, adoptée à l’issue d’un référendum très contesté en mars 2020, a permis à Condé, 83 ans, de briguer un troisième mandat, alors que la précédente Constitution le lui interdisait, et que Condé, élu pour la première fois en 2010, avait juré qu’il n’en briguerait pas d’autre.

Comme de nombreux opposants ces quinze derniers mois, Sylla a été arrêté fin septembre 2020, alors qu’il s’apprêtait à participer à une marche organisée par le FNDC pour protester contre la candidature de Condé. Sylla a été condamné en janvier 2021 à 11 mois de prison ferme pour « participation délictueuse à un attroupement susceptible de troubler l’ordre public », puis à trois ans en appel. Ses avocats se sont pourvus en cassation. En 2020, Sylla avait déjà passé quatre mois en détention provisoire pour « diffusion de fausses informations », avant d’être acquitté.

Il est actuellement hospitalisé. « Il s’agit de sa septième hospitalisation depuis janvier 2021 », souligne l’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme. En mars, il avait contracté le Covid-19 et n’avait pu bénéficier d’une assistance médicale que grâce à la mobilisation de ses avocats et de la société civile. Cette fois encore, « il a fallu beaucoup de pressions pour convaincre le ministre de la justice d’accéder aux recommandations des médecins », affirme Ibrahima Diallo, coordinateur de Tournons la page-Guinée. Mais la situation reste « préoccupante », ajoute-t-il, car « il ne dispose pas des médicaments qui lui ont été prescrits, et que l’État devrait lui fournir ». « Cette attitude […] montre une volonté manifeste de le laisser mourir », dénonce le collectif.

Selon Diallo, Sylla paye le prix de sa résistance au président. « Depuis plusieurs mois, explique-t-il, Condé exige que tous les prisonniers politiques lui demandent “pardon” publiquement. C’est un moyen de décrédibiliser les ONG qui l’accusent de jeter ses opposants en prison. Si tu t’exécutes, il te gracie. Sinon, tu croupis dans une cellule. »

Les exemples se sont multipliés ces derniers temps. Le 22 juin, Souleymane Condé, coordinateur du FNDC aux États-Unis, et son camarade Youssouf Dioubaté, condamnés à un an de prison, ont bénéficié d’une remise de peine après avoir écrit et publié une lettre, où on peut lire : « Excellence Professeur, nous avons appris de nos erreurs et promettons de ne plus jamais répéter les mêmes erreurs, ce durant tout le reste de nos vies. »

Sylla, lui, s’y refuse. Selon son entourage, deux émissaires lui auraient rendu visite en prison pour l’exhorter à demander la grâce présidentielle. En vain. À l’issue de son premier procès, il avait déclaré : « Je continuerai la lutte contre le troisième mandat d’Alpha Condé, même en prison. » Un retour dans sa cellule pourrait toutefois lui être fatal, estiment ses proches.

La prison centrale de Conakry est, selon les mots d’un ancien détenu politique ayant requis l’anonymat, « un véritable cimetière d’opposants ». Selon Amnesty International, quatre d’entre eux y sont morts ces derniers mois.  Tous avaient été arrêtés dans la cadre des manifestations organisées contre le référendum constitutionnel ou lors de l’élection présidentielle.

L’un d’eux, Mamadou Oury Barry, avait été incarcéré le 5 août 2020 pour « coups et blessures volontaires ». Il est mort le 16 janvier, « d’une mort naturelle » selon le ministère de la justice. Après son décès, l’Union européenne a, dans un communiqué, dénoncé « les dysfonctionnements du système pénitentiaire et de l’appareil judiciaire guinéen ».

Dans un rapport publié en février, Amnesty indique que la prison centrale de Conakry, construite pour une capacité de 300 personnes, en accueille aujourd’hui près de 2 000. Pour tout ce monde, elle ne dispose que d’un seul médecin sur place.

Ibrahima Diallo a passé plusieurs semaines en détention en 2019 et en 2020. Il a partagé la même cellule que Sylla. À l’époque, la nourriture qui leur était servie était « immangeable » et « avariée ». Ces derniers temps, Sylla partageait sa cellule de 4 m2 environ avec huit autres détenus. « On manque tellement de place qu’il est impossible de se mouvoir », relate Diallo.

Le FNDC a établi une liste de 86 détenus politiques à la prison centrale, tous arrêtés en 2020 et 2021, et qui sont mélangés avec les autres prisonniers. Dans son rapport publié il y a six mois, Amnesty estimait à plus de 350 le nombre de détenus politiques dans l’ensemble du pays. Depuis, une quarantaine d’entre eux ont été libérés. Sollicités à plusieurs reprises par Mediapart, le ministre de la justice guinéen et son porte-parole sont restés silencieux.

23 août 2021 | Par Rémi Carayol I Mediapart

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