Douanes ivoiriennes/« Affaire 87 faux diplômes », des zones d’ombres : Procédure disciplinaire abusive et illégale !?
La révélation de 87 faux diplômes dans les concours professionnels exceptionnels 2021 des douanes ivoiriennes, annoncée en mai 2024, continue de susciter des réactions. Les cycles concernés incluent les contrôleurs, inspecteurs et administrateurs. Concernant les 87 agents présumés de faux diplômes des deux concours professionnels exceptionnels 2021 et 2022, ce sont deux arrêtés d’admission définitive qui sont contestés. Amadou Coulibaly, porte-parole du gouvernement, a réagi le 22 mai 2024, soulignant l’engagement du président Alassane Ouattara à renforcer la gouvernance et la transparence depuis son accession au pouvoir.
Depuis 2015, avec l’initiative de l’Ivoirien nouveau, des mesures concrètes ont été mises en place pour assainir l’administration et éliminer les faux diplômés. Ce, pour garantir dans l’avenir des opportunités aux candidats méritants. Toutefois, il y a lieu d’insister sur la nécessité de respecter la loi pour éviter abus et chasse aux sorcières.
L’enquête en cours examine si la direction générale des Douanes a suivi les procédures légales dans la gestion des contrôleurs, inspecteurs et administrateurs soupçonnés de fraude. Il convient de préciser que les diplômes mis en cause n’ont aucun lien avec celui qui a permis aux agents d’intégrer le corps des fonctionnaires douaniers. Une ordonnance n°001585/MFPMA/DGFP/DC en date du 21 juillet 2021, exige le baccalauréat comme condition pour soumettre une candidature. Cependant, l’article 77 du statut général de la fonction publique prévoit des dispositions pour la promotion, et en aucun cas il n’est fait mention de la nécessité de fournir un autre diplôme pour les concours internes ou exceptionnels. L’École normale d’administration (ENA) n’exige pas de diplôme aux professionnels. Nous dévoilerons les possibles violations de la procédure par la direction des Douanes ivoiriennes.
Iniquité dans le traitement des agents soupçonnés
La prime trimestrielle pour les mois de janvier, février et mars a été versée, sauf aux agents mis en cause, bien qu’ils aient été en activité durant cette période et que ces primes soient considérées comme acquises. Selon l’article 17 du régime disciplinaire des douanes, “l’application des sanctions prévues par le présent régime disciplinaire est subordonnée à l’établissement de la faute.” Les primes des douaniers ont été virées trois jours après la mesure conservatoire, mais les agents mis en cause ont constaté qu’ils n’ont pas été rémunérés sans notification de suspension, comme le prévoit le statut général de la Fonction publique.
Pis, un agent parmi les mis en cause, qui a reçu sa prime, par erreur, de la direction des moyens généraux (DMC), a été informé le mardi 9 avril 2024 et sommé de retourner les fonds.
Après avoir déjà retiré l’argent, la direction lui a demandé de présenter un chèque prouvant le retrait.
Procédure disciplinaire abusive et illégale
Cette situation montre que les autres agents mis en cause ont été exclus des paiements puisque les états de paiement avaient été établis le mois précédent. Parmi eux, un agent souffrant d’insuffisance rénale ne peut plus financer ses dialyses en raison du blocage de sa prime. Il a sollicité le service social, qui lui a conseillé d’adresser une demande au directeur général pour implorer sa clémence. À ce jour, ce sont ses collègues qui l’aident financièrement, malgré ses 21 ans de service.
En revanche, l’iniquité de la situation actuelle en l’article 19 alinéa 1 du code disciplinaire des douanes est explicite : “l’avertissement n’entraîne pas de sanction pécuniaire.”
Les mis en cause, ayant perdu confiance en leur DG, ont sollicité un conseiller juridique, ce qui a déplu au Général. Le directeur général des Douanes ivoiriennes les traduit devant le conseil de discipline, malgré l’incompétence de ce dernier selon l’article 2 du Code disciplinaire des douanes. Qui dispose de ce qui suit : ‘’Est considéré comme faute disciplinaire et passible de sanction visées aux articles 17 à 21 du présent régime disciplinaire, tout manquement commis par l’agent dans l’exercice de ses fonctions ou à l’occasion de celle-ci et défini selon la nomenclature fixée.’’
Des fonctionnaires diffamés et injuriés impunément
Le 23 avril 2024, 26 mis en cause sont convoqués à l’inspection sans connaître l’objet, et subissent une instruction sans leur avocat. Leur demande d’assistance juridique est rejetée par le président du conseil de discipline, le colonel Bouagba Brice, qui exige que la lettre de constitution soit adressée au DG. Les élèves contrôleurs sont convoqués pour une affaire urgente (convocation n°097/MFB/DGD/DFD/2024) à l’école, lundi 4 mars 2024, par le commandant école, le colonel Serre Germain. Pensant recevoir des félicitations, ils découvrent une sonorisation installée. Tout a été mis en place pour les humilier. Le Colonel Koffi Méa Ignace, directeur des ressources humaines (DRH) donne la liste la liste de 28 personnes qui auraient déposé de faux diplômes en faisant acte de candidature en présence de l’Inspecteur général, Bouagba Brice et du commandant école, et aussi de toute la promotion et des civils. Un audio de l’incident circule sur les réseaux sociaux. Pourtant, l’article 28 du statut général de la Fonction publique stipule que les fonctionnaires doivent être protégés contre les diffamations et injures. Une semaine plus tard, deux personnes justifient leur situation, mais 26 attendent toujours des réponses de structures administratives. Le 29 mars 2024, le DG suspend les agents concernés sans établir les faits, une mesure normalement réservée.
Le respect de loi, rien que la loi
L’avocat, contesté par le conseil, fait un recours hiérarchique au ministre des Finances le 29 avril 2024 pour annuler la suspension, jugeant la procédure abusive et illégale. Il informe aussi le président du conseil des vices procéduraux, envisageant des poursuites pour diffamation et autres délits, suite à la fuite de documents compromettants sur les réseaux sociaux. L’article 35 du statut général de la Fonction publique, renforcé par une note de service de décembre 2023, impose le secret professionnel, interdisant de telles pratiques sous peine de sanctions disciplinaires et pénales.
En 2022, 48 contrôleurs et 11 inspecteurs des douanes mis en cause ont été confirmés par un arrêté signé par la ministre Anne Ouloto. Les administrateurs et les inspecteurs de la promotion 2021 n’ont pas été soumis à ce contrôle ainsi que les administrateurs de la promotion 2022 suscitant des accusations de discrimination. Les noms et matricules des 59 mis en cause de la promotion 2022 ont été publiés à l’école des douanes et sur les réseaux sociaux, déclenchant une polémique. Les accusés doivent bénéficier de la présomption d’innocence, mais le DG Dah Pierre Alphonse les a exposés aux médias et aux réseaux sociaux.
L’accès à l’information, la croix et la bannière
Conformément à la loi n°2013-867 sur l’accès à l’information publique, nous avons déposé des courriers le 22 mai à la direction générale des Douanes et plusieurs ministères ivoiriens, demandant des informations sur ces faux diplômes. Seul le ministère de l’Enseignement supérieur a répondu, indiquant que les diplômes demandés ne sont pas délivrés par leurs écoles. La direction générale des douanes, dans son communiqué du 11 mai 2024, semble mal informée sur les établissements concernés. Le silence des autres ministères montre un mépris envers les journalistes, malgré le dépôt en main propre des courriers, mais l’existence la loi sur les transactions électroniques (n°2013-546) qui pourrait faciliter la transaction des courriers.
Les journalistes qui désirent avoir accès à l’information doivent prendre leur mal en patience. Le feu est en encore au rouge, les organismes publics sont encore dans l’embouteillage du passé, le secret de la confidentialité.
Sources : www.crocinfos.net