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Côte d’Ivoire sur la route de l’émergence : Minignan, goulag des temps modernes sous le régime Ouattara ?

La Côte d’Ivoire, sous le régime d’Alassane Ouattara, s’illustre par une trajectoire de développement économique impressionnante, notamment en matière d’infrastructures et de croissance, affichant ainsi une ambition d’émergence. Cependant, derrière cette façade de prospérité, des zones d’ombre persistent, illustrant une gestion politique de plus en plus répressive, où certains citoyens et opposants sont relégués aux marges du pays, dans des conditions de vie déplorables. Minignan, petite localité du nord de la Côte d’Ivoire, semble être devenue un symbole de cette politique, un véritable goulag moderne pour les “indésirables” du régime.

La répression post-électorale : un retour aux oubliettes du nord

Le climat de répression qui a marqué la fin de la crise post-électorale de 2010-2011 a profondément affecté des centaines de personnes, tant parmi les partisans du président déchu Laurent Gbagbo que dans les rangs de la société civile. Après la chute de Gbagbo en avril 2011, plusieurs figures de l’ancien régime ont été emprisonnées, parfois dans des conditions inhumaines. Laurent Gbagbo lui-même a été incarcéré à Korhogo, dans le nord du pays, sous la surveillance de Martin Fofié Kouakou, un ancien chef rebelle pro-Ouattara. Une figure emblématique du régime actuel, désigné par les Nations Unies en 2006 pour ses activités violentes. Simone Gbagbo, l’ex-épouse de l’ex-président, a été emprisonnée à Odienné, à l’écart de ses proches, pendant quatre longues années. Ces événements ont fait naître dans l’imaginaire collectif un sentiment de vengeance d’État, renforcé par le sort réservé à d’autres personnalités de l’ancien pouvoir.

Minignan : un exil punitif ?

Parmi les lieux qui cristallisent ce climat de persécution, Minignan se distingue par son isolement et ses conditions de vie extrêmes. La prison de Bouna, qui abritait des membres de l’ancien régime au lendemain du conflit post électoral, notamment Affi N’Guessan, Michel Gbagbo , Diabaté Bêh, Gnamien Yao, Serges Boguhé, est un autre exemple frappant des lieux où les opposants et les sympathisants de Gbagbo ont été emprisonnés, souvent sans procès ni conditions dignes. Mais Minignan dépasse ce simple cadre carcéral ; cette localité semble devenir le lieu de relégation des fonctionnaires jugés récalcitrants par le pouvoir en place. Ce phénomène prend une tournure symbolique particulièrement marquante en 2016, lorsqu’une menace a été formulée contre Mesmin Komoé, un syndicaliste du secteur éducatif. La ministre de l’Éducation, Kandia Camara, avait brandi la possibilité d’une affectation de ce dernier à Minignan pour avoir osé défier l’autorité du gouvernement sur les conditions de travail des enseignants. Cette menace, vécue comme une sanction symbolique, révèle les dérives d’un système politique qui n’hésite pas à recourir à des pratiques de punition collective.

La modernité de la répression : Minignan et l’isolement social

Le cas de Kouamé Phicault, un enseignant qui a dénoncé les conditions de travail difficiles au lycée moderne de Cocody, vient rappeler que la répression n’épargne même pas les simples citoyens. En novembre 2024, après avoir signalé ses conditions de travail, Phicault, un homme avec 36 ans de service, se retrouve affecté à Minignan, une sanction administrative qu’il semble bien difficile de justifier par des considérations purement professionnelles. Ce qui, pour certains, pourrait apparaître comme une simple mutation devient alors un symbole d’exil punitif. Minignan, dans ce contexte, semble plus qu’un simple lieu géographique ; il devient un espace de marginalisation, une sorte de “goulag” moderne où les individus et les populations sont relégués pour avoir osé dénoncer ou s’opposer à un système politique autoritaire.

Une mise à l’écart volontaire des populations ?

Au-delà de la répression exercée contre les opposants et les fonctionnaires, la situation des populations vivant à Minignan illustre l’abandon délibéré de certaines régions du pays. Le développement infrastructurel s’est concentré autour des grandes villes comme Abidjan, laissant des zones entières dans une pauvreté endémique. L’absence de services de base, la mauvaise qualité des routes, la rareté des opportunités économiques créent un environnement propice à l’enfermement social et politique. Cela pose la question suivante : ces populations, qui vivent dans la disette et l’isolement, sont-elles les nouvelles victimes d’un régime qui, sous couvert de lutte pour l’émergence, oublie les réalités du terrain ? Sont-elles condamnées à vivre dans la précarité ?

La Côte d’Ivoire, sur la voie de l’émergence, se trouve à la croisée des chemins. D’un côté, une économie qui progresse, une classe politique en place qui prône une modernité économique et sociale. De l’autre, des pratiques de gestion autoritaires qui excluent et punissent les opposants et les populations marginalisées. Minignan, en tant que symbole de cet exil interne, incarne cette contradiction. Si l’émergence, au sens économique, se dessine autour des grandes villes et de certains secteurs privilégiés, qu’en est-il de l’émergence sociale et politique ?

LA REDAC’

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