Le 7 janvier 2025, un événement a attiré l’attention des observateurs internationaux : le navire Zimrida, battant pavillon de la Barbade, est arrivé dans le Port Autonome d’Abidjan, en Côte d’Ivoire, après avoir traversé l’Atlantique avec à son bord près de 20 000 tonnes de nitrate d’ammonium. Le navire a été particulièrement scruté en raison de la nature sensible de sa cargaison. Autre fait : la présence de Patrick Achi, ex-Premier ministre de la Côte d’Ivoire à Bridgetown, la capitale de la Barbade. Et Zimrida, un cargo battant pavillon de la Barbade.
Patrick Achi et sa visite à la Barbade
En décembre 2024, Patrick Achi, Ex-Premier ministre ivoirien, s’est rendu à Bridgetown, capitale de la Barbade (sans prendre le soin de mentionner le ou les jours passés rendu à Bridgetown). Le déplacement de Patrick Achi, non officiel, annoncé comme une simple visite de courtoisie, a été marqué par une rencontre avec Mia Mottley, Première ministre de la Barbade, également présidente du V-20 (groupe des pays vulnérables au changement climatique) et de la CARICOM (Communauté des Caraïbes), des instances où la Barbade occupe un rôle clé. Le lien entre Achi et Mottley, bien que politique, éveille les curiosités, notamment dans le contexte de la gestion des paradis fiscaux.

La Barbade sur la liste noire des paradis fiscaux
Le 6 octobre 2020, la Barbade a été ajoutée à la liste noire des paradis fiscaux de l’Union européenne, une décision qui a eu des répercussions internationales, notamment sur la réputation de plusieurs pays. La Barbade, ainsi que des territoires comme Anguilla ou les Îles Caïmans, a été pointée du doigt pour ses pratiques fiscales jugées non coopératives. Toute chose qui révèle la manière dont certains États gèrent leur système fiscal, parfois en facilitant des pratiques opaques telles que l’ouverture de sociétés offshores. Patrick Achi, à travers ses liens politiques et financiers, s’est retrouvé lié à cette problématique après sa mention dans les Pandora Papers en 2021.
Le navire Zimrida : Cargaison sensible et dérives Juridiques
Le Zimrida, un cargo battant pavillon de la Barbade, a attiré l’attention du monde en raison de sa cargaison : près de 20 000 tonnes de nitrate d’ammonium, une substance chimique qui peut être utilisée à la fois comme engrais et dans des contextes bien plus sensibles, comme dans la fabrication d’explosifs. 7 656 tonnes de la cargaison sont destinées à un client ivoirien dont l’identité reste encore inconnue. Le navire a déclenché des alertes sur les réseaux sociaux ivoiriens dès le 4 janvier 2025, alors qu’il était en route vers Abidjan. Il a accosté en rade extérieure le 30 décembre 2024. Le lien avec la Barbade, pays réputé pour ses régulations fiscales flexibles, n’a pas manqué d’attirer les regards. D’autant que le choix de cette juridiction pour un tel navire et une cargaison aussi controversée interrogent sur les pratiques commerciales des entreprises ivoiriennes et de leurs relations avec des juridictions fiscales « peu transparentes ».

Les liens avec Patrick Achi
L’enquête internationale du Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) a révélé en octobre 2021, les noms de 43 hommes politiques africains figurant dans les « Pandora Papers » au nombre desquels, le Ex-Premier ministre ivoirien, Patrick Achi accusé de détenir une société offshore jusqu’en 2006 alors qu’il fait son entrée au gouvernement en tant que ministre chargé des Infrastructures économiques en 2000. Selon l’enquête de l’ICIJ, le Premier ministre est devenu en 1998 propriétaire d’une société basée aux aux Bahamas, Allstar Consultancy Services Ltd. Bien que cette information soit restée confidentielle jusqu’en 2021, elle n’a pas échappé à l’attention du public et des médias. Le contexte adjoint une dimension particulière à l’arrivée du Zimrida à Abidjan, car il relie indirectement Patrick Achi, à un territoire inscrit sur la liste noire des paradis fiscaux.
Un accostage et une nomination en parallèle !
Le 7 janvier 2025, une fois le Zimrida accosté à Abidjan, une visite officielle du navire a été organisée. Les autorités ivoiriennes ont tenté de rassurer la population sur la nature de la cargaison et son traitement. Le même 7 janvier 2025, l’ancien Premier Ministre, Patrick Jérôme Achi, est nommé Ministre d’État, Conseiller spécial à la Présidence de la République. La coïncidence temporelle entre l’arrivée d’un navire en provenance de la Barbade et l’ascension de Patrick Achi à la présidence (nommé Ministre d’État, Conseiller spécial à la Présidence de la République) renforce les spéculations sur les liens existants entre l’homme politique et les réseaux d’affaires internationaux.
Le rôle du pavillon de la Barbade : Un éclairage juridique
L’expression “battre pavillon” désigne l’acte de flotter sous le drapeau d’un pays, ce qui confère au navire la nationalité de ce pays. Dans ce cas précis, le Zimrida bat le pavillon de la Barbade, ce qui signifie qu’il relève juridiquement de cette nation en haute mer et dans les ports étrangers. En termes pratiques, cela implique que les autorités barbadiennes sont responsables de la réglementation du navire et de la gestion de sa cargaison. Toutefois, certains navires choisissent d’opter pour un pavillon de complaisance, comme celui de la Barbade, afin de profiter de normes fiscales ou réglementaires plus souples.

Un contexte de paradis fiscaux et de responsabilités Internationales
La Barbade est l’un des nombreux pays qui figure sur la liste noire des paradis fiscaux. Ce qui signifie qu’elle est perçue par l’Union européenne comme un endroit où les régulations financières et fiscales sont jugées insuffisantes ou trop opaques. Les implications de ce statut sont nombreuses, notamment dans le domaine maritime, où les navires peuvent choisir d’arborer le pavillon d’un pays pour minimiser leurs obligations fiscales ou leurs responsabilités environnementales.
Ainsi, la cargaison de nitrate d’ammonium transportée par le Zimrida, le choix de la Barbade comme pavillon et les implications politiques d’un homme comme Patrick Achi qui figure dans les Pandora Papers créent une toile de fond complexe. L’implication de Patrick Achi dans les Pandora Papers, les liens avec un paradis fiscal et le come-back politique du Ex-Premier ministre ivoirien au lendemain de l’accostage du navire suscitent d’interrogations. Si la situation peut sembler être une simple succession de faits ou une pure coïncidence, elle illustre aussi les dynamiques complexes entre la politique, les affaires internationales et les juridictions fiscales dans le monde contemporain.
LA REDACTION