Transport aérien – Derrière les retards et obstacles rencontrés par Air Côte d’Ivoire dans le lancement de ses vols long-courriers vers Paris, se dessine une stratégie peu reluisante, attribuée en coulisses à l’un de ses propres actionnaires : Air France.
Alors qu’Air Côte d’Ivoire s’apprête à franchir une étape historique avec l’ouverture de sa première liaison directe Abidjan-Paris prévue pour le premier semestre 2025, la compagnie fait face à une série de contretemps qui interrogent. Difficile de ne pas y voir la main de puissants intérêts concurrents.
Parmi les faits les plus troublants : le débauchage massif de techniciens ivoiriens formés par Air Côte d’Ivoire elle-même. En effet, la compagnie avait investi dans la formation de 32 mécaniciens aéronautiques à Yamoussoukro, complétée par des stages en France, notamment chez Airbus. Ces talents étaient appelés à devenir la cheville ouvrière de l’entretien de la future flotte long-courrier.
Mais voilà : 20 d’entre eux ont été « récupérés » par d’autres compagnies, attirés par des salaires très au-dessus du marché, laissant Air Côte d’Ivoire dans une position délicate à l’approche de ses premières grandes échéances internationales. Parmi les acteurs suspectés de cette opération de siphonnage : Air France, actionnaire à 11 % de la compagnie ivoirienne, soupçonnée de vouloir retarder l’entrée d’un concurrent africain sur la très lucrative ligne Abidjan-Paris.

Face à cette situation, Air Côte d’Ivoire a saisi des avocats pour exiger le remboursement de son investissement en formation. Mais au-delà du volet juridique, c’est toute une stratégie d’étouffement économique qui semble se profiler. Les défections chez les mécaniciens ne sont pas isolées : la compagnie a dû prendre des mesures pour se protéger, imposant à ses pilotes une clause contractuelle d’engagement de 10 ans. Toute rupture anticipée de ce contrat entraînerait le remboursement des frais de formation, un garde-fou face à d’éventuelles pressions extérieures.
Des retards stratégiques sur fond de concurrence
Le projet de vols long-courriers repose sur la livraison de deux appareils Airbus A330-900, prévue initialement pour mars et avril 2025. Pourtant, la livraison a déjà été repoussée à deux reprises, alimentant les spéculations sur des interférences dans le calendrier industriel. À ce jour, aucun des deux avions n’a été livré.
Pourtant, l’État ivoirien a mis les moyens : un financement de 47,9 milliards de FCFA a été obtenu auprès de la Banque Arabe de Développement Économique en Afrique (BADEA) pour soutenir ce projet. Le but est clair : assurer la souveraineté aérienne de la Côte d’Ivoire et offrir des liaisons directes vers des capitales internationales telles que Paris, Londres, Genève, Beyrouth ou encore Washington.

Une montée en puissance qui dérange ?
Avec un capital de 130 milliards FCFA et un actionnariat mixte (État de Côte d’Ivoire à 58 %, BOAD à 8 %, Goldenrod à 23 %, et Air France à 11 %), la gouvernance d’Air Côte d’Ivoire semble désormais sous tension. Certains analystes voient dans les récentes manœuvres une tentative d’Air France de freiner, sinon de contrôler, l’ascension d’un partenaire devenu trop ambitieux.
À l’heure où la connectivité aérienne devient un levier stratégique pour l’économie ivoirienne, les soupçons de sabotage en interne prennent une forme particulière. Reste à savoir si le gouvernement ivoirien, désormais pleinement engagé dans le projet, saura imposer la transparence et défendre les intérêts nationaux dans une industrie où les alliances économiques masquent parfois des rivalités féroces.
LA REDACTION