Le 7 décembre 2024, les élections présidentielles au Ghana marqueront une nouvelle étape dans l’histoire de la démocratie ouest-africaine. Fidèle à sa tradition d’alternance politique pacifique, ce pays de 34 millions d’habitants continue d’affirmer sa stabilité dans une région souvent secouée par des tensions politiques. À l’inverse, la Côte d’Ivoire, son voisin, demeure en proie à des crises récurrentes depuis la mort de Félix Houphouët-Boigny en 1993, et n’a jamais connu de passation de pouvoir apaisée entre un président sortant et un président élu.
Le Ghana : Une alternance pacifique et une démocratie affirmée
Le Ghana, avec ses 19 millions d’électeurs, s’est une nouvelle fois distingué lors de son scrutin présidentiel de décembre 2024. Le candidat de l’opposition, John Mahama, a remporté l’élection. Le vice-président sortant Mahamudu Bawumia, représentant du parti au pouvoir, a reconnu sa défaite dès les premiers résultats et a pris la décision de féliciter son rival. « Le peuple ghanéen s’est exprimé, il a voté pour le changement et nous le respectons en toute humilité », a déclaré Bawumia, dans une démonstration de maturité politique.
Le Ghana est un modèle en Afrique de l’Ouest pour plusieurs raisons. Tout d’abord, la crédibilité de ses institutions électorales, dont le « Electoral Commission of Ghana (EC) » permet de garantir une gestion transparente du processus. De plus, l’intégrité du système politique repose sur une culture de l’alternance démocratique, caractérisée par un équilibre entre les deux grands partis : le New Patriotic Party (NPP) et le National Democratic Congress (NDC). Ce système multipartite, mis en place depuis 1992, a permis des transitions de pouvoir sans effusion de sang, ce qui est une exception sur le continent.

La victoire de John Mahama en 2024 marque un retour historique, puisqu’il devient le premier président de la Quatrième République du Ghana à récupérer la présidence après avoir été défait par les urnes en 2016. Cette alternance démontre non seulement la solidité de la démocratie ghanéenne, mais aussi l’ouverture du pays à un dialogue politique constructif, fondé sur le respect des résultats des élections. John Mahama, ancien président du pays de 2013 à 2017, a promis de relancer l’économie et de mettre en œuvre des réformes anti-corruption. À ses côtés, Jane Naana Opoku-Agyemang, la première femme vice-présidente de l’histoire du Ghana, incarne un tournant historique vers davantage d’inclusivité et de modernité.
La Côte d’Ivoire : Des tensions persistantes et un système électoral fragilisé
À l’opposé, la situation en Côte d’Ivoire présente un contraste saisissant. Le pays, bien que considéré comme un moteur économique de l’Afrique de l’Ouest, est en proie à des crises politiques quasi permanentes depuis la mort de Félix Houphouët-Boigny en 1993. Les événements dramatiques de 2010-2011, qui ont suivi l’élection contestée de Laurent Gbagbo, ont plongé le pays dans une guerre civile dévastatrice, faisant plus de 3 000 morts. Depuis lors, et même bien avant, la Côte d’Ivoire n’a jamais connu de passation de pouvoir pacifique et bien organisée. L’absence de reconnaissance mutuelle des résultats entre le président sortant et le nouvel élu reste un problème récurrent.
Les élections présidentielles ivoiriennes sont marquées par une instabilité institutionnelle profonde. Bien que la Commission électorale indépendante (CEI) soit chargée de la gestion du processus électoral, sa crédibilité a été sérieusement ébranlée par des accusations de partialité, de manque de transparence et de manipulation des résultats. La liste électorale est régulièrement dénoncée comme incomplète ou frauduleuse, et le climat de méfiance entre les différents acteurs politiques et sociaux pèse lourdement sur le processus. Les résultats des élections, lorsqu’ils sont publiés, sont souvent proclamés par les quartiers généraux des partis politiques, ce qui nourrit les suspicions et la contestation.

L’élection présidentielle de 2010 a été un tournant, avec un différend qui a opposé Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara, chacun se proclamant vainqueur. L’accord de paix signé en 2007 et l’organisation des élections en 2010 avaient pour objectif de mettre fin à une décennie de guerre civile et de rébellion, mais la crise post-électorale a révélé l’incapacité du pays à réaliser une transition démocratique apaisée. Bien que la situation se soit stabilisée avec la réélection d’Alassane Ouattara en 2015, le climat politique reste tendu, avec des opposants politiques, des mouvements de protestation et des tensions sociales persistantes.
Le Ghana et la Côte d’Ivoire sont deux exemples contrastés de la réalité démocratique en Afrique de l’Ouest. Si le Ghana incarne une réussite dans la gestion des transitions démocratiques, la Côte d’Ivoire est encore engagée dans un processus de maturation démocratique, avec des enjeux cruciaux à résoudre pour garantir un avenir politique pacifique et stable.
LA REDAC’