Des écrivains, il y en a une flopée en Côte d’Ivoire mais des écrivains qui écrivent bien et simplement, il y en a de moins en moins. Maïmouna Traoré fait partie de cette dernière catégorie. Chez elle, la plume se fait adjuvant. Telle une sauce kopê, elle facilite l’ingurgitation et la digestion du texte. Son phrasé généralement court n’est pas pour autant dépourvu de charmes. Il comporte à chaque apparition le mot juste, la formule neuve, ce touché qui donne au texte littéraire son pouvoir de ravissement. Sa thématique en revanche ne sort pas des sentiers battus. Maïmouna aborde dans cette œuvre la condition des femmes en Afrique. Les habitués des ouvrages africains et notamment ivoiriens pourraient renâcler de la récurrence de ce thème. Cependant, ce sentiment de déjà vu est vite battu en brèche par la puissance d’écriture de son auteur. L’œuvre de Maïmouna Traoré se lit avec délectation et en un tour de main. Elle ne fait point mentir Montesquieu qui, évoquant la corrélation entre la lecture et la dissipation du spleen, affirma : « Je n’ai jamais eu de chagrin qu’une heure de lecture n’ait dissipé ». Le lecteur en sort ravi, charmé par le style mais surtout réédifié sur ce thème central de la littérature africaine. Vengeance aux deux visages est un livre comme les femmes les aiment. Construit sur le modèle de son hypotexte (référence) cinématographique, « Vengeance aux deux visages » avec comme actrice principale Stéphanie Harper, l’œuvre de Maïmouna Traoré est un roman de la vendetta féminine. Elle évoque la souffrance des femmes qui, enserrées entre le phallus des hommes et les codes sociaux iniques, subissent sans broncher les foucades des hommes dans la société. Aussi l’œuvre se propose-t-elle de donner la réplique aux hommes une bonne fois pour toute.
Mouna, le personnage principal de l’œuvre, est l’épouse de Malick, un grand homme d’affaires. Moins épanouie en couple du fait des multiples escapades de son mari, elle affiche cependant une santé florissante dans les affaires. Malick, contrairement à son épouse, connaît des déboires financiers. Ses affaires périclitent. Parti consulter son marabout attitré, ce dernier lui révèle que Mouna est à la base de tous ses soucis et prescrit comme solution urgente, la séparation d’avec elle. Affecté par cette nouvelle mais décidé à conjurer cette mauvaise fortune, Malick consent à se séparer de sa femme et à nouer une nouvelle relation avec une jeune fille, évidemment préparée par son puissant marabout. Mouna en est émue mais ne se laisse pas démonter pour autant. Elle monte, avec sa congénère Cloclo, un stratagème pour faire payer à Malick et à tous les hommes leurs multiples humiliations. Son combat aboutit à son épanouissement et celui de plusieurs autres femmes rangées au ras de pâquerettes dans leurs foyers. Ce livre est un livre éclairé, un ouvrage féministe. Il appelle à l’émancipation de la femme de toutes les prisons qui l’écrasent : la prison financière (Mouna mène une activité économique prospère), la prison matrimoniale (Mouna comme Makoya s’affranchissent de leurs foyers-prisons), la prison culturelle et sociale (Makoya se rebelle contre le foyer polygame, troque le style vestimentaire traditionnel contre le style occidental, apprend à conduire une voiture et mène une activité économique). A travers ces choix forts, Maïmouna Traoré affirme avec voix de stentor que la conquête de la liberté est le véritable combat des femmes contre elle-même et contre la société. Cet ouvrage est disponible dans les librairies et chez l’éditeur Plume Habile Edition. Bonne lecture à tous.
Avec la Collaboration de Plume Habile Editions