Le scandale foncier de Djorogobité. Depuis quelques semaines, la Côte d’Ivoire est secouée par un conflit foncier d’une ampleur inédite à Djorogobité, dans la commune de Cocody. Ce litige oppose plusieurs acquéreurs de terrains urbains à un certain Komé Bakary. Porté à la connaissance du grand public par une vidéo virale de Dame Traoré sur les réseaux sociaux, ce dossier a ravivé le débat sur la mafia foncière en milieu urbain, dévoilant une série de spoliations et d’irrégularités administratives.
Chaque jour, de nouvelles victimes d’expropriation illicite utilisent la même tribune digitale pour alerter l’opinion publique sur des pratiques douteuses dans l’attribution des titres de propriété. Une constante se dégage dans la majorité des cas : le rôle ambigu du ministère de la Construction, du Logement et de l’Urbanisme. L’octroi des actes fonciers, loin d’être transparent, semble marqué par du favoritisme, des violations de décisions judiciaires et des obstacles administratifs délibérément dressés contre certains propriétaires.
Un ministère au-dessus des lois ?
Plusieurs cas illustrent cette dérive. Des ACD (Arrêtés de Concession Définitive) sont délivrés sur des terrains litigieux, malgré des réserves officielles émises par un commissaire de justice. Pire encore, certaines décisions de justice rendues par le Conseil d’État sont parfois ignorées ou interprétées abusivement par certains agents du ministère.
L’exemple du lotissement d’Abadjin-Doumé est particulièrement éclairant. Ce lotissement, approuvé par l’arrêté n° 04862/MCU/DU/SDAF du 5 octobre 2005 et réalisé par le cabinet Ivoire Topographie, a fait l’objet d’une bataille judiciaire qui a duré plus de dix ans. La Cour de cassation, dans son arrêt n° 1037/20, a définitivement rejeté le pourvoi formé le 2 mars 2018 par Ngbodjui Boudjui Emile et Yama Djiro Joseph, confirmant ainsi la validité des conventions liant les propriétaires terriens au cabinet Ivoire Topographie. Pourtant, malgré cette décision sans appel, le ministère de la Construction persiste à délivrer des ACD sur ces terrains au profit d’autres individus, sur la base d’un guide de répartition frauduleusement introduit dans l’administration.
Même les interventions de la Présidence de la République n’ont pas suffi à infléchir la position de certains hauts responsables du ministère, qui continuent de régner en maîtres absolus sur le foncier urbain, suivant leurs propres intérêts.

Un blocage systémique et institutionnel
Lorsque le ministre Bruno Nabagné Koné tente d’assainir la gestion foncière en instruisant ses services de régulariser certaines situations litigieuses, ses directives restent lettre morte. Les demandes d’ACD introduites par les propriétaires terriens sont systématiquement rejetées sous de faux prétextes, tels qu’une “attestation non conforme” ou une “attribution préalable à un tiers”.
Ce dysfonctionnement profond de l’administration foncière ivoirienne ébranle gravement la confiance des citoyens dans leurs institutions et compromet les efforts du président de la République pour instaurer un climat de justice et de sécurité juridique.
Il est urgent de prendre des mesures fermes pour démanteler cette mafia foncière et restaurer l’autorité de l’État. Le ministre de la Construction, Bruno Nabagné Koné, doit redoubler d’efforts pour garantir la transparence et l’équité dans la gestion du foncier urbain, sous peine de voir ce secteur stratégique sombrer davantage dans le chaos.
LA REDACTION