La ministre de la Salubrité Urbaine de Ouattara, Anne Désirée Ouloto a eu avant-hier mercredi, une rencontre de concertation avec les gouverneurs de districts et les maires des dix communes d’Abidjan, aux fins de se mettre d’accord avec ces derniers, sur les listes des sites à déguerpir, à partir de la semaine prochaine, « inch’allah » !
Elle a profité de cette rencontre pour répondre à certains critiques sur sa gestion non transparente dans la sélection de l’opérateur chargé de la collecte des déchets solides à Abidjan. D’après ce que le quotidien gouvernemental «Fraternité Matin» qui a participé à cette belle réunion a rapporté dans son édition d’hier, la ministre s’est déchaînée contre certains journaux : «Pourquoi chaque fois qu’il y a eu des attributions de marché dans le district d’Abidjan, il y a eu beaucoup de spéculations autour ? Il faut que les gens sachent que nous avons voulu rompre avec le passé. Beaucoup de plans ont été déjoués…» Un exemple de plan déjoué, Mme la ministre? Mais laissons-là poursuivre.
«Alors, qu’on ne nous fasse pas l’injure de dire que l’entreprise française choisie n’est pas sérieuse. Je dis à tous ces détracteurs que nous sommes dans un Etat de droit et que si cette entreprise est incapable d’assumer le cahier des charges, elle va en assumer les conséquences. Mais en même temps, nous soulignons que c’est un excellent travail technique qui a été fait en toute clarté par la commission mise sur pied à cet effet, et notre rôle n’était pas de savoir quelles entreprises avaient soumissionné. En tout cas, sur la base des informations que nous avons, cette société française a une bonne expérience dans le secteur de la collecte des ordures ménagères et elle est associée à une autre entreprise de bonne réputation ».
Il s’agit de quelle société française ? Quelle est cette entreprise de bonne réputation à laquelle la société a été associée ?
Pour rappel : Le 15 Septembre 2011, le ministre de la salubrité urbaine, en prélude à un appel d’offre que son ministère s’apprêtait à lancer, dans le cadre de la gestion des déchets solides, c’est-à-dire le processus allant de la pré-collecte, à la collecte, au transport et à la mise en décharge desdits déchets dans le District d’Abidjan, a tenu une réunion dite de « consultation du marché et de rencontre avec les potentiels partenaires » du secteur.
Rendant compte de cette rencontre, l’Agence ivoirienne de Presse (AIP) a écrit « La ministre de la salubrité urbaine, Anne Désirée Ouloto a échangé, jeudi, avec des investisseurs intéressés par la collecte et le traitement des ordures ménagères dans le district d’Abidjan, en prélude au lancement d’appel à qualification pour l’élaboration et la mise en œuvre d’un schéma de gestion intégrée des déchets solides ménagers du district. Au cours de cette séance d’informations et d’échanges, un état des lieux de la salubrité dans le district d’Abidjan a été présenté, de même qu’un exposé sur la procédure d’appel d’offre et de passation de marchés. Le lancement d’appel à qualification est prévu pour le 30 septembre et les entreprises désireuses de soumissionner devraient être au même niveau d’information et être traités équitablement dans un souci de transparence », explique-t-on.
C’est enfin de compte le 20 Octobre 2011 que l’appel d’offre a été lancé sous le numéro P63/2011.
Sur les 22 entreprises qui ont retiré les dossiers, seules 12 d’entre-elles, après avoir étudié les conditions demandées, ont jugé nécessaire de déposer leurs offres. « Après analyse, il s’est avéré qu’aucun soumissionnaire n’a atteint le point de qualification qui est de 80% des points. Par conséquent, cet appel d’offres a été déclaré infructueux » selon le ministère de la salubrité urbaine.
Traduction : Sur les 12 entreprises qui ont déposé leurs candidatures, aucune n’a été jugée digne d’emporter le marché n’ayant pas atteint « le seuil de qualification minimum requis » avait ajouté le directeur de cabinet de la ministre, Sékongo Félicien, le mardi 27 décembre 2011.
Cependant, avait-il fait remarquer, « le ministère de la salubrité urbaine a reçu l’autorisation du ministère de l’économie et de finances pour lancer un appel d’offre restreint à l’attention des trois soumissionnaires les mieux classés » sur les 12. Il s’agit, selon le document publié sur le site du gouvernement, de Isp Pangola, Satarem Greensol et Green City Aecom. Pourtant, sur le site internet de la Direction des marchés publics, le message « cet appel (l’Appel d’offre en question) est déclaré infructueux et sera relancé » continue de défiler. Pourquoi ?
Le ministère de l’économie et des finances qui a donné l’autorisation d’organiser l’appel d’offre restreint et dont dépend la Direction des marchés publics n’est-il pas encore informé de ce qu’un opérateur a été déjà choisi au point de laisser prospérer ce communiquer ?
SATAREM GREENSOL, L’HEUREUX ELU
Le lundi 23 janvier, au cours d’un point de presse à son cabinet, Anne Ouloto a rendu public le nom de l’entreprise retenue après cet appel d’offre restreint. Il s’agit, a-t-elle dit, de la société française Satarem Greensol. « Au terme des travaux, la société Satarem Greensol, qui a présenté les meilleurs arguments techniques, économiques et financiers et un savoir-faire dans la gestion intégrée des ordures dans le monde a emporté les faveurs du maître d’ouvrage, c’est-à-dire la Ministère de la salubrité urbaine ». Tiens donc !
Pourtant, cette entreprise française au savoir-faire mondialement reconnu, deux semaines plutôt, avait été recalée pour n’avoir pas obtenu la moyenne minimale exigée ?
Quelle est cette société française « Satarem Greensol » ?
En réalité, aucune société n’existe dans ce monde sous le nom Satarem Greensol. Une petite recherche sur le net sur ce nom « Satarem Greensol », on est tout de suite reconduit au point de presse de la ministre tenu le 23 janvier 2011. C’est ce jour que, pour la première fois, ce nom a été prononcé.
En fait il s’agit deux entreprises bien différentes.
« Satarem », une entreprise française intervenant dans la valorisation des déchets solides et qui a été créée en 1992. Voici le PDG (voir image ci-dessous)
Et « Greensol », société créée le 23 novembre 2011 par salif Bictogo (voir image ci-dessous), le grand frère de Adama Bictogo le ministre de l’intégration africaine de Ouattara, uniquement en vue de ce marché de 17 milliards qu’il a comme par hasard remporté. C’est à ce niveau qu’apparaît toute la supercherie du duo Anne Désirée Ouloto – la famille Bictogo.
« Greensol » L’entreprise de Salif Bictogo, le grand-frère d’Adama Bictogo, et qui n’existe que depuis seulement deux mois et qui n’a même pas de siège social localisable. Voici la déclaration officielle de la création de cette entreprise familiale :
Interpellé sur ce point, voici ce que répond la ministre du gouvernement Ouattara, Anne Désirée Ouloto, chargé de la salubrité urbaine : «Nous avons besoin de travailler en toute sérénité et ce n’est pas juste de créer une telle atmosphère malsaine pour des desseins personnels. Je ne sais pas si c’est le nom Bictogo qui dérange ? Dans le cahier des charges, il est demandé aux soumissionnaires étrangers d’avoir un partenaire local. Maintenant, que ce partenaire s’appelle Konan, Digbeu, voire Bictogo, cela n’a pas d’importance. Ce qui est fondamental ici, c’est la capacité de l’opérateur choisi à honorer ses engagements. Sur ce point, nous n’avons pas de souci à nous faire puisqu’il a été choisi par une commission impartiale composée d’experts… En tout cas, sur la base des informations que nous avons, cette société française a une bonne expérience dans le secteur de la collecte des ordures ménagères…»
Non madame, « Satarem » ne fait pas de collecte d’ordures. C’est un cabinet d’ingénierie avec une branche dans la valorisation des déchets ménagers c’est-à-dire leur transformation en énergie renouvelable. Elle ne ramasse pas d’ordures. C’est d’ailleurs pour cela qu’au niveau de la Direction des marchés publics, elle n’a pu remporter l’appel d’offre parce que l’Etat recherchait une entreprise capable de faire de la gestion intégrée des déchets c’est-à-dire à la fois la pré-collecte, la collecte, le transport et la transformation. Or, « Satarem » n’est spécialisée que dans la transformation.
Nous avons écrit que l’entreprise Greensol, qui appartient à Salif Bictogo et qui a remporté la partie pré-collecte, collecte et transport de l’appel d’offre alors qu’elle n’existait pas au moment où l’appel était lancé, n’est pas une entreprise sérieuse. Elle n’a que deux mois d’existence et n’a aucune expérience dans le domaine.
La ministre dit aussi : «Dans le cahier des charges, il est demandé aux soumissionnaires étrangers d’avoir un partenaire local. Maintenant, que ce partenaire s’appelle Konan, Digbeu, voire Bictogo, cela n’a pas d’importance. Ce qui est fondamental ici, c’est la capacité de l’opérateur choisi à honorer ses engagements…»
Premièrement et la répétition a son sens ici, au moment du lancement de l’appel d’offre, le 20 octobre 2011, la société Greensol de Salif Bictogo n’existait pas encore. Elle n’a été créée que le 23 novembre 2011. Satarem ne pouvait donc pas s’associer à une entreprise qui n’existait pas encore.
Deuxièmement, lorsque la Direction des marchés publics statuait sur les offres des 12 entreprises qui avaient soumissionné, elle ignorait aussi l’existence de cette entreprise appelée Greensol. Cela nous a été confirmé par le sous-directeur de cette structure. C’est lorsqu’elle a transmis les résultats négatifs de ses délibérations au ministère de la Salubrité urbaine, que ledit ministère a organisé un appel d’offre restreint et a confié le marché de la pré-collecte, de la collecte et du transport à Greensol et celui de la transformation à Satarem.
Mais pour brouiller les pistes, pendant son point de presse du 23 janvier, la ministre n’a, à aucun moment précisé que ce sont deux entreprises distinctes qui ont été retenues : une française et une ivoirienne. Elle a dit : «Au terme des travaux, la société Satarem Greensol, qui a présenté les meilleurs arguments techniques, économiques et financiers et un savoir-faire dans la gestion intégrée des ordures dans le monde a emporté les faveurs du maître d’ouvrage, c’est-à-dire le Ministère de la Salubrité urbaine». Elle n’a donc, à aucun moment, parlé d’une entreprise ivoirienne associée à une entreprise française. Pourquoi ?
Troisièmement, si le partenaire local de Satarem s’appelait Konan ou Digbeu, effectivement, cela ne poserait aucun problème. S’il s’appelait Bictogo, cela ne poserait aussi aucun problème, si cette entreprise avait l’expertise nécessaire. Mais non seulement cette entreprise appartient à Salif Bictogo, mais en plus, elle n’a aucune expertise, aucune expérience, aucun haut fait, aucun siège, aucun numéro de téléphone fixe. Et plus encore, elle change de dirigeant chaque fois qu’un appel d’offre est lancé. Pourquoi ?
Car, comme l’a écrit le confrère «Notre Voie» dans son édition du mercredi 1er février, Greensol a été choisi comme opérateur pour la pré-collecte, la collecte et le transport, le 16 janvier 2012. Jusqu’à cette date, elle avait pour président de conseil d’administration, Salif Bictogo. Curieusement, le 26 janvier, après que trois jours plus tôt Anne Ouloto a rendu public le nom de l’opérateur « Satarem Greensol », dans une annonce légale parue dans le journal gouvernemental, il est mentionné que Salif Bictogo a démissionné de son poste depuis le 30 décembre 2011 et qu’il a été remplacé par Poby Angbomin Eric. Pour quelles raisons Salif Bictogo a-t-il démissionné de son poste de président du conseil d’administration de Greensol, seulement un mois après la création de cette entreprise, alors que cette dernière vient justement de remporter un marché de plusieurs milliards. Qu’est-ce qu’il a comme problème Salif Bictogo ? Il laisse les autres jouir à sa place, de ses efforts?
L’incroyable gymnastique des Bictogo.
En mettant le nom de Poby Angbomin Eric à la place de Salif Bictogo pour brouiller les pistes, l’heureux propriétaire de « Greensol » qui vient de remporter un marché de 17 milliards annuels, n’a rien caché du tout. Parce que Poby Angbomin Eric et Adama Bictogo, le ministre de l’intégration africaine, sont les deux faces d’une même médaille. Ils se connaissent depuis de très longues années et Poby Angbomin Eric a été, du 10 août 2008 au 6 juin 2011, le directeur général de SNEDAI (Société Nationale d’édition de Documents Administratifs et d’Identification), créée justement par Adama Bictogo. Si Poby Angbomin Eric a été nommé à la tête de Greensol pour éviter que la présence de Salif Bictogo attire l’attention, c’est justement parce que depuis le 6 juin, Lassana Bictogo, un autre frangin d’Adama Bictogo, a remplacé Poby Angbomin Eric à la tête de SNEDAI. Lassana Bictogo est donc à la fois le président du conseil d’administration de « Beenwork », une entreprise qu’il a créée le 23 novembre 2011 pour lorgner les grands travaux annoncés par l’Etat dans le cadre de la reconstruction, et le président directeur général de SNEDAI.
Voici l’acte de naissance de la société « Beenwork »
Dans le même temps, Salif Bictogo qui était le président du conseil d’administration de Greensol est annoncé démissionnaire après avoir obtenu un marché de 17 milliards et remplacé par l’homme de main d’Adama Bictogo c’est-à-dire Poby Angbomin Eric. Ce qui permet de déduire qu’en réalité, « Greensol » a été créée par le ministre Adama Bictogo. Salif Bictogo n’a donc été qu’un prête-nom, le temps de remporter l’appel d’offre.
Ils sont décidément très forts les Bictogo. Et on voudrait nous mener en bateau ? Que ne gagne-t-on pas dans cette affaire au point de nous faire croire que Greensol est une entreprise française ?
Résumons L’histoire, voulez-vous ?
D’abord, au ministère de la salubrité urbaine où nous avons appelé pour nous informer, l’on nous a appris que le ministère n’a, à aucun moment, participé au processus qui a abouti au choix de Greensol et Satarem. Et que tout s’est passé à la Direction des marchés publics. Mais là-bas, l’on nous a juré qu’au contraire, c’est le ministère de la salubrité urbaine qui a tout goupillé au niveau de son appel d’offre restreint auquel la Direction des marchés publics n’a été associée, à aucun moment. Ensuite, aucune société n’existe dans ce monde sous le nom Satarem Greensol.
D’ailleurs, quand on fait une recherche sur internet sur ce nom Satarem Greensol, on est tout de suite reconduit au point de presse de la ministre tenu le 23 janvier 2011. C’est ce jour que, pour la première fois, ce nom a été prononcé. D’accord ? Il y a donc Satarem, entreprise française intervenant dans la valorisation des déchets solides et qui a été créée en 1992. Et il y a Greensol, société créée le 23 novembre 2011 uniquement en vue de ce marché de 17 milliards qu’il a comme par hasard remporté. Alors qu’elle n’a aucune expertise, aucune expérience et n’a jamais ramassé le moindre sachet d’eau, ni à Abidjan ni ailleurs.
En plus, en moins de deux mois, elle a connu deux Pca. Salif Bictogo, grand frère d’Adama Bictogo, ministre de l’intégration africaine dans le gouvernement actuel. Salif Bictogo, après que Greensol a remporté le marché et avant que Anne Ouloto ne rende public le nom de l’opérateur retenu le 23 janvier, a été prié de se mettre de côté pour ne pas attirer l’attention. Mais celui qui a pris sa place, Poby Angboman Eric n’est pas un inconnu. Il est l’homme de main d’Adama Bictogo. Il a été jusqu’en juin 2011, le directeur général de SNEDAI, l’entreprise créée par Adama Bictogo le 26 octobre 2007 et qui deux mois plus tard (ils sont trop forts), soit le 10 décembre 2007, a obtenu, en association avec Zeste-France (grâce à la Primature?), le marché de la production de passeports ordinaires biométriques à puces électroniques en Côte d’Ivoire.
Un marché de plusieurs milliards. C’était déjà, sous le président Gbagbo et un certain Guillaume Soro qui venait de déposer depuis avril 2007, ses petites valises à la Primature. L’histoire s’est-elle répétée ? Le 23 novembre 2011, Salif ou Adama Bictogo a créé Greensol. Deux mois plus tard, comme en 2007, Greensol remporte les yeux fermés, un autre marché de plusieurs milliards. Vous comprenez tout à présent ? Quoi ? Il y aurait eu délit d’initié ? Mais non !
La ministre dit que Greensol a une expertise reconnue dans le monde entier. Et c’est cela, le fin mot de cette histoire finalement très compliquée à expliquer dans un journal aussi jeune que « L’Eléphant Déchaîné » qui n’est né que le 28 octobre 2011 et qui déjà, raconte beaucoup d’histoires vraies sur ce qui se passe dans certains ministères où la mal gouvernance et l’affairisme sont érigés en règle d’or.
Depuis que c’est le tour du Rdr de rattraper ses retards.
ASSALE Tiémoko
Source : L’Eléphant Déchaîné (Février 2012 )