Les Députés Suppléants de Côte d’Ivoire, longtemps ignorés et maltraités par une législation défaillante, annoncent un sit-in historique le 18 décembre 2024 devant l’Assemblée Nationale. Leur objectif : l’abrogation immédiate de la loi sur la suppléance, jugée creuse, injuste, et inadaptée aux réalités politiques et sociales du pays.
Instituée par la loi numéro 2004-495 du 10 septembre 2004, la suppléance a pour but de permettre une continuité dans les fonctions parlementaires en cas d’empêchement du titulaire. Mais force est de constater qu’elle est devenue un véritable cauchemar pour les suppléants, qui, bien que candidats à part entière lors des élections législatives, se retrouvent dans une situation précaire et sans statut.
Un statut flou et sans protections
Les Députés Suppléants sont en effet confrontés à une absence totale de reconnaissance légale. La loi de 2004 ne leur confère aucun droit particulier, aucun traitement financier, ni même des garanties de protection sociale. Ils sont considérés comme de simples figurants, destinés à remplacer le titulaire en cas de besoin, mais sans statut officiel, ni avantages liés à la fonction.
“Le Suppléant est laissé pour compte. Il ne bénéficie ni de salaire, ni de couverture sociale, ni de soutien financier”, déclare l’un des Députés Suppléants. “Et lorsque le titulaire de la circonscription se représente aux élections, le Suppléant se voit dans l’impossibilité de briguer un autre mandat, ce qui annihile ses droits politiques et son éligibilité.”
Une loi inadaptée aux réalités contemporaines
De nombreuses voix s’élèvent pour dénoncer l’inefficacité et l’injustice de cette loi. Non seulement elle ne garantit pas un véritable remplacement des Députés en cas d’empêchement, mais elle crée une situation de frustration sociale et politique. Les Suppléants, souvent des acteurs clés de la campagne électorale, se retrouvent dans une position embarrassante : ils n’ont aucun droit à l’éligibilité, aucune immunité parlementaire, et sont traités comme de simples citoyens, même lorsqu’ils sont appelés à occuper des fonctions publiques.
En cas de maladie ou d’incident, le Suppléant n’a pas accès à des soins appropriés et se retrouve souvent dans une situation d’extrême vulnérabilité.
Des initiatives restées sans réponse
Malgré plusieurs démarches, audiences, conférences de presse, et interventions auprès des autorités politiques et administratives, les Suppléants n’ont toujours pas obtenu de réponse satisfaisante à leurs revendications. “Nous avons porté cette question devant plusieurs institutions, mais à ce jour, aucune réforme n’a été envisagée”, explique un porte-parole des Députés Suppléants.
Les Suppléants ont aussi soulevé ce problème dans le cadre du Dialogue Politique National en 2021-2022, mais leurs propositions sont restées lettre morte. Cette indifférence face à leurs préoccupations a abouti à la décision radicale de lancer un sit-in devant l’Assemblée Nationale, un geste symbolique pour dénoncer une loi qui est aujourd’hui un frein au bon fonctionnement de l’institution parlementaire.
Un appel à la révision urgente de la loi
La situation des Députés Suppléants a également été abordée au niveau international, notamment par l’Assemblée Parlementaire de la Francophonie (APF), qui a recommandé aux États membres de revoir le cadre juridique de la suppléance. Le modèle suisse, où le Suppléant jouit des mêmes droits que le titulaire, est souvent cité comme exemple à suivre.
Le Burkina Faso, à titre d’exemple, a d’ores et déjà instauré un cadre légal plus favorable, où la démission ou le décès du titulaire entraîne directement la prise de fonction du Suppléant. Un système qui assure la continuité parlementaire tout en garantissant les droits des suppléants.
La fin d’une ère d’injustice ?
Le 18 décembre 2024, les Députés Suppléants comptent bien marquer les esprits en exigeant l’abrogation de cette loi jugée obsolète. “Il est grand temps que la Côte d’Ivoire donne à ses Députés Suppléants les moyens d’exercer leur fonction dans la dignité, avec un statut juridique et des garanties concrètes”, déclarent-ils dans un communiqué.
L’heure est à l’action. Les Députés Suppléants appellent tous les citoyens, acteurs politiques et membres de la société civile à se joindre à eux pour soutenir cette cause légitime et essentielle à la réforme du système parlementaire ivoirien.
La question est désormais claire : le gouvernement et les institutions ivoiriennes vont-ils répondre à cet appel à la justice sociale et à la revalorisation de l’Assemblée Nationale ?
LA REDAC’