Sous le régime de Alassane Ouattara, la question de la mauvaise gestion et des détournements de fonds au sein des entreprises publiques a été un sujet récurrent, mettant en lumière des dysfonctionnements notables dans la gestion des ressources de l’État. Plusieurs Directeurs Généraux (DG) ont été limogés pour ces raisons au cours des dernières années, à la suite d’audits et de dénonciations faites par la Haute Autorité pour la Bonne Gouvernance (HABG). Toutefois, bien que les mesures disciplinaires aient été prises, la question des suites judiciaires pour ces responsables limogés reste ouverte et préoccupante.
Les limogeages et la mise en lumière des malversations
En 2020, un audit mené par la Haute Autorité pour la Bonne Gouvernance (HABG) a ciblé sept grandes entreprises publiques, dont des institutions stratégiques telles que l’Agence Nationale d’Appui au Développement Rural (ANADER), la Poste de Côte d’Ivoire (PCI), la Société de Développement des Forêts (SODEFOR) et la Société des Transports Abidjanais (SOTRA). Ces audits ont révélé des pratiques de gestion douteuses, des détournements de fonds et des dysfonctionnements qui ont compromis l’efficacité de ces institutions publiques. Face à ces résultats accablants, plusieurs DG ont été limogés, y compris ceux de l’Agence de Gestion Foncière (AGEF), de la Nouvelle Pharmacie de la Santé Publique (NPSP), de l’Agence de Gestion et de Développement des Infrastructures Industrielles (AGEDI), et de l’Autorité de Régulation des Télécommunications/TIC (ARTCI), entre autres.
Les limogeages ont été publiés dans un communiqué officiel en juin 2021, citant les noms des responsables incriminés : Diaby Lanciné (Fonds d’Entretien Routier – FER), Soro Kipeya Euloge (ANSUT), Yapi Ange Désiré (NPSP), Ouattara Youssouf (AGEDI), Bilé Diéméléou (ARTCI), Coulibaly Lamine (AGEF), Adama Coulibaly (Conseil Coton-Anacarde), et Fausséni Dembélé (RTI). Ces limogeages ont été perçus comme une tentative de mettre fin à des années de mauvaise gestion et de corruption dans les entreprises publiques, visant à assainir l’administration publique et à restaurer la crédibilité du gouvernement.
Les malversations : détournements de fonds et dysfonctionnements
Les accusations de mauvaise gestion et de détournements de fonds ont été au cœur des récriminations contre ces DG. Des sommes importantes auraient été détournées à travers des pratiques de corruption, de surfacturation de contrats, de mauvaise allocation des ressources et de gestion opaque des finances publiques. Par exemple, dans le cas de l’AGEF, la gestion des terrains et des projets fonciers a suscité de nombreuses interrogations, notamment des transactions douteuses qui auraient entraîné d’importantes pertes financières pour l’État.
Les autres entreprises, telles que la NPSP, auraient également été victimes de mauvaises pratiques de gestion dans le cadre de l’achat et de la distribution de médicaments, compromettant la qualité et l’accessibilité des soins de santé pour les populations ivoiriennes. De même, des problèmes de gouvernance ont été identifiés au sein de l’ARTCI, où des manœuvres douteuses auraient eu lieu dans la gestion des licences et des contrats dans le secteur des télécommunications.
Les suites judiciaires : un procès encore en suspens
Malgré les limogeages et les dénonciations publiques, les suites judiciaires pour les responsables impliqués dans ces scandales restent floues. À ce jour, seul Coulibaly Lamine, ancien directeur de l’AGEF, a été incarcéré. Il a été transféré à la Maison d’Arrêt et de Correction d’Abidjan (MACA) en juin 2021 après avoir été accusé de malversations financières. Les autres responsables limogés n’ont pas encore fait l’objet de poursuites judiciaires ou de mises en examen, ce qui suscite des doutes sur la volonté du gouvernement de réellement faire face à la corruption systémique au sein des entreprises publiques. Dans certains cas, les accusations n’ont même pas été suivies de mesures judiciaires concrètes, laissant présager un manque de transparence dans les enquêtes et une possible impunité pour certains des responsables impliqués.
Les défis de la justice et les perspectives d’avenir
Le manque de clarté concernant les suites judiciaires pour les DG limogés met en évidence plusieurs défis pour le système judiciaire ivoirien. Tout d’abord, l’absence d’une enquête approfondie et transparente dans certains cas laisse planer des doutes sur l’indépendance de la Justice et l’engagement réel des autorités pour lutter contre la corruption. Ensuite, la lenteur des procédures judiciaires dans ces affaires peut être interprétée comme un signe de l’inefficacité du système judiciaire à traiter les affaires de détournements de fonds au plus haut niveau de l’État.
LA REDAC’