On ne refera pas le monde avec une loi du moins, en Côte d’Ivoire. Et les lois ont chacune, leur importance. Et la coutume dans ce pays c’est de graisser la patte afin d’huiler le processus. Cela se pèse en fonction des millions déboursés par député, le moment de l’adoption.
Tout récemment la chambre basse du parlement ivoirien a vu chacun de ses membres être crédité de la somme de 2 millions de FCFA pour « donner le tabouret » de l’Assemblée nationale, à Adama Bictogo élu dans des circonstances scabreuses, à Agboville. Et cette élection le suivra sans doute comme son ombre, durant cette législature. Juste une digression! Pour en revenir au sujet, c’est beaucoup d’argent qui est proposé à chaque représentant du peuple. C’est la bagatelle de 510 millions de FCFA pour les 255 députés qui a été déboursée pour cette opération de charme en faveur du Rassemblement des Houphouetistes pour la Démocratie et la Paix en Côte d’Ivoire (RHDP) et de son poulain, Adama Bictogo. Mais ça, ce n’est que le minimum. Adama Bictogo étant pratiquement assuré d’être élu surtout avec le ralliement des partis politiques de l’opposition -qui ont dealé et on y reviendra- il n’y avait pas de feu en la demeure. Le jeu n’en valant pas la chandelle , il n’y avait pas d’enjeu véritable donc pas beaucoup à dépenser, juste un rafraîchissement pour les parlementaires pour s’ être donnés la peine de venir à l’Assemblée nationale, en ce jour historique; et c’est bien sûr, selon! Une somme qui aurait pu simplement construire ou au moins remettre en l’état, des centaines d’écoles.
On a bien donné de fois plus, dans ce pays!
Le 7 juin dernier, il n’y avait aucun enjeu. Les enjeux véritables au niveau de l’Assemblée nationale ont été par exemple l’occasion du vote de la loi de Finances où il y’a l’octroi de budgets colossaux à certains chapitres comme le fameux fonds de souveraineté dont le montant relève d’un big deal. Et si le President doit se servir, il faille motiver ceux qui lui donnent cette prérogative. D’aucuns parlent d’au moins 5 millions FCFA par député pour les empêcher de trop reflechir et de donner leur quitus soit un quantum de 1 milliards 275 millions FCFA. C’était au moins 10 (2 milliards 550 millions de FCFA ) à 15 millions de FCFA (3 milliards 775 millions de FCFA) comme lors du vote de la constitution litigieuse consacrant le 3e mandat. Donc à l’Assemblée c’est souvent entre 500 millions et 4 milliards de FCFA pour orienter le vote de nos députés, par an. Il suffit que cette operation se répète cinq fois l’an rien qu’avec 5 millions de FCFA par député , et le cap de 10 milliards est facilement franchi. Chers Ivoiriens, appréciez!
Et si on devenait tous députés!
Il y’a de quoi rêver! Officiellement, le salaire d’un député est de 2 millions 665 mille FCFA. Ce qui fait annuellement 31 millions 980 mille FCFA et pour une mandature c’est à dire 5 ans, 159 millions 900 mille FCFA. En y ajoutant les 10 millions de frais d’installation après avoir été élu, vous vous retrouvez en 5 ans, à 170 millions de FCFA. Sans oublier qu’il y’a des primes de présence lors des sessions et la probabilité de perdiems extra pour des lois et des circonstances exceptionnelles comme celle de l’élection de Bictogo. Annuellement cela avoisinerait la cinquantaine de millions soit 250 millions les 5 ans. Finalement (ouf) un député ne brasserait pas moins de 450 millions de FCFA la mandature voire 90 millions de FCFA l’an, perdiems compris.
La corruption a pignon sur rue, au parlement
Le salaire du sénateur serait officiellement de 2 millions 200 mille FCFA. Avec les mêmes bonus comme pour les députés en terme de perdiems et de « nécessité » un sénateur ne toucherait pas moins de 430 millions de FCFA les 5 ans. Calculez donc, pour nos 99 senateurs ! Et alors que dans certains pays en cas de cherté de la vie, on sent un effort de la part du parlement en terme de réduction de salaires, en Côte d’ Ivoire, ils demandent sans cesse, des augmentations. C’est qu’en dehors de leur train de vie parfois pompeux, il faut assister socialement les populations qui vous ont élu , même si ce n’est pas en cela que consiste votre mandat. Et d’aucuns ne font rien pour réunir leurs électeurs pour avoir leur avis et discuter des projets ou propositions de lois avec eux, avoir une permanence pour recueillir les avis et suggestions, un ou des assistants… Chers Ivoiriens accrochez la ceinture, tout augmentera davantage, pour satisfaire les appétits de nos voraces parlementaires! Approximativement, nous ne sommes pas loin de la quinzaine de milliards, pour nos deux chambres, réunies, pour un an, soit 75 milliards à 100 milliards de FCFA pour toute la mandature, en terme de perdiems. Vous comprenez dès lors pourquoi les taxes se rencherissent et le social est relégué au second plan!
De colossaux avantages, pour quels résultats !
Une fois élu, le député devient un citoyen hors-pair. C’est normal, tant qu’il trône à un perchoir vitrine du pouvoir législatif qui lui, sert de contre-poids aux autres pouvoirs que sont l’exécutif et le législatif. Mais en Côte et depuis des lustres, l’objectif est de s’inféoder à l’exécutif tout en ne le brusquant en aucune circonstance. Des consignes des dirigeants passent comme lettre à la poste, au grand dam des populations. Combien de députés ivoiriens durant la législature ont osé être à l’initiative d’une proposition de loi? Très peu… Presque toutes les lois sont des projets de loi donc émanant du gouvernement. Le parlementaire a un passeport diplomatique, une exonération fiscale, un ordre protocolaire de premier plan dû à son mandat national, sans avoir d’incidence positive véritable sur les conditions de vie des populations. Tous ceux qui iront à l’encontre des gentlemen agreement comme le député du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) M. Amankou, sont vite voués aux gémonies. La messe est dite et en attendant une démocratie véritable, la plupart des députés comme des acteurs à un sitcom, chacun venant jouer une partie de son scénario sous la houlette du metteur en scène. Et ici, vous le devinez aisément !
PS: Certains députés -une petite poignée – nés le spectre dans la main ou très critiques vis à vis de ces pratiques n’en ont cure, et se contenteraient de leurs émoluments légaux.
LA RÉDAC