La politique, dans sa forme la plus noble, consiste à gérer les affaires publiques en vue du bien commun, du progrès de la société, et de l’amélioration de la vie des individus. Elle dépasse largement les querelles partisanes ou les intérêts personnels ; elle est fondamentalement une quête de justice et de paix, un appel à l’engagement citoyen pour les valeurs qui façonnent un avenir meilleur. Dans cette condition, les jeunes ne sont pas seulement des spectateurs passifs, mais des acteurs indispensables du changement.
Récemment, deux chroniqueurs de Life TV ont appelé les jeunes « à ne pas mourir pour un homme politique ». Une exhortation qui prône un recul de l’engagement personnel au profit d’une distanciation vis-à-vis de l’arène politique. Mais une question se pose : faut-il renoncer à la lutte pour ses convictions sous prétexte qu’un homme politique en est le porte-voix ? La réponse est non. Se battre pour ses convictions n’est pas équivalent à mourir pour un homme politique. En réalité, l’engagement pour la justice, pour la vérité et pour le progrès de la société transcende l’individualité d’un leader politique. C’est une bataille pour un idéal, pour des principes, bien plus que pour la gloire d’une figure politique.
Une dictature, faut-il le rappeler, se caractérise par la répression brutale des libertés individuelles, la suppression des opposants et le contrôle strict des médias. Dans un tel régime, les manifestations pacifiques sont systématiquement réprimées, et les voix dissonantes sont réduites au silence par la violence. Lorsque des jeunes sont tués simplement pour avoir exercé leur droit à manifester, cela révèle un système où la peur et l’intimidation dominent, et où le pouvoir impose sa volonté par la force, sans égard pour les droits humains. C’est là une dictature rampante, qui étouffe toute forme de liberté d’expression et de résistance. Est-ce le cas en Côte d’Ivoire ?

La politique, une quête de justice : une valeur universelle
Dans un sens noble, la politique s’apparente à un engagement profond pour la transformation de la société, pour le respect des droits humains, et pour l’amélioration des conditions de vie. La politique n’est pas simplement un jeu d’élections ou de manœuvres stratégiques ; elle est d’abord une question de principes et de valeurs, comme le montrent les grands exemples bibliques et coraniques.
Dans la Bible, les figures politiques, telles que Moïse, ont dirigé des peuples non seulement avec sagesse mais aussi avec un sens aigu de la justice. Moïse n’était pas un simple dirigeant ; il était un homme guidé par des principes divins, un homme de conviction. Il a mené les Israélites hors de l’esclavage, défiant la tyrannie du Pharaon, non pas par un désir de pouvoir personnel, mais par une mission sacrée. Cet engagement envers la liberté, la justice et l’émancipation n’était pas une lutte pour Moïse lui-même, mais pour un peuple et ses générations futures.
Dans le Coran, le Prophète Muhammad (Paix soit sur lui) ont incarné ce modèle de politique élevée. Le Prophète a dirigé la communauté musulmane avec un sens de la justice et de l’équité, prônant la fraternité, l’égalité des hommes devant Dieu, et la solidarité. Sa politique était une lutte pour des principes universels : la dignité humaine, la paix et l’harmonie sociale. Lorsqu’il a mené les premières batailles pour défendre la foi, ce n’était pas pour sa gloire personnelle, mais pour la sauvegarde des valeurs spirituelles et communautaires qui étaient au cœur de son message.
Jeunesse et engagement : des acteurs de changement historique
Les exemples historiques abondent où la jeunesse a été au cœur du changement, des combats pour la liberté et la justice. Ce n’est pas une lutte pour la « reconnaissance » d’un homme politique, mais pour des idéaux de justice, d’égalité et de dignité humaine. En 1960, des jeunes afro-américains ont mené des sit-ins dans les restaurants ségrégués du Sud des États-Unis, défiant une société qui refusait de les reconnaître comme égaux. Ces jeunes n’étaient pas en quête de pouvoir pour eux-mêmes, mais pour l’égalité des droits pour tous. Leur engagement a été utile pour mettre fin aux lois Jim Crow et pour ouvrir la voie à la lutte pour les droits civiques.
Un autre exemple marquant est la Marche sur Washington de 1963, où des centaines de milliers de jeunes, noirs et blancs, ont marché ensemble pour la justice sociale. Leur action a été une démonstration forte du pouvoir de l’engagement collectif.
L’exemple de la guerre du Vietnam et de la révolution de Tian’anmen
Les jeunes ont également joué un rôle déterminant dans la lutte contre la guerre du Vietnam. Des étudiants ont organisé des protestations massives et des sit-ins, défiant l’implication des États-Unis dans ce conflit sanglant. Ce mouvement a non seulement contribué à la fin de la guerre, mais a aussi porté un message important sur l’implication morale des citoyens dans les décisions politiques de leur pays. Ces jeunes militants ne combattaient pas pour un homme politique, mais pour leurs valeurs et pour la fin d’un conflit qu’ils considéraient injuste.
Le même engagement peut être vu dans le mouvement de Tian’anmen de 1989 en Chine, où des milliers de jeunes ont défié un régime autoritaire pour réclamer des réformes démocratiques et des droits de l’homme. Leurs vies ont été prises dans une répression sanglante, mais leur combat reste un symbole du courage face à l’oppression. Comme le disait John Lewis, l’un des leaders des droits civiques aux États-Unis, ils ont vécu et se sont battus pour ce qu’il appelait “de bons ennuis”, des actions qui remuent les consciences et changent les sociétés.
Le printemps arabe et la lutte pour la démocratie
Le Printemps arabe, à partir de décembre 2010, a également vu une jeunesse résolue dans son engagement pour la démocratie et la justice sociale. En Égypte, en Tunisie, en Syrie, et dans d’autres pays du Moyen-Orient, des millions de jeunes ont utilisé les réseaux sociaux pour s’organiser, exprimer leur mécontentement et réclamer un avenir meilleur. Ce fut une lutte non pas pour une personnalité politique, mais pour la dignité humaine, l’absence de corruption et la fin des dictatures.
Se battre pour ses convictions
Ainsi, les jeunes ne se battent pas pour l’égo d’un homme politique, mais pour des idéaux qui sont plus grands qu’un individu. La politique, dans son sens noble, est l’art de défendre les intérêts du peuple et de lutter pour la justice sociale. Se battre pour ses convictions, c’est s’engager pour un avenir meilleur, pour une société plus juste et équitable. La politique n’est pas l’apanage des seuls dirigeants, elle est avant tout une affaire de citoyens actifs, de jeunes qui, portés par leurs rêves et leurs valeurs, incarnent le changement dans l’histoire.
Le message que nous devons envoyer à la jeunesse aujourd’hui est clair : ne baissez jamais les bras dans la lutte pour ce que vous croyez juste. Que vous soyez dans la rue, dans les écoles ou sur les réseaux sociaux, votre voix a un pouvoir. Ne combattez pas pour un homme, mais pour un monde qui respecte la dignité de chacun. La politique n’est pas l’apanage des leaders ; elle est l’affaire de tous. Comme le disait Bertolt Brecht : « Celui qui combat peut perdre, mais celui qui ne combat pas, a déjà perdu. »
TAKI BOUANZI
Journaliste-écrivain
Citoyen Ivoirien
DP de www.enquetemedia. info
Ex-DP et Red Chef de L’éléphant déchainé