Abidjan, 6 novembre 2024. La réélection de Donald Trump à la présidence des États-Unis en 2024 soulève de nombreuses interrogations sur l’avenir des relations bilatérales entre les États-Unis et la Côte d’Ivoire. Si le retour de Trump au pouvoir semble en bonne voie, ses politiques extérieures, marquées par une approche transactionnelle et centrée sur les intérêts américains, laissent présager des ajustements dans la coopération entre les deux pays. Cette analyse explore les implications potentielles de ce retour pour la Côte d’Ivoire, tant sur le plan économique que sécuritaire.
Une politique étrangère américaine centrée sur les intérêts économiques et bilatéraux
Lors de son premier mandat, Donald Trump a privilégié une politique étrangère pragmatique, marquée par la recherche d’accords commerciaux bilatéraux qui maximisaient les avantages pour les États-Unis. L’Afrique, généralement reléguée au second plan, a vu une politique fondée sur des critères strictement économiques et sécuritaires, avec un intérêt limité pour les initiatives multilatérales. En effet, bien que Trump ait soutenu des programmes comme “Power Africa” et PEPFAR, qui visent à améliorer l’accès à l’électricité et lutter contre le VIH/sida, ces initiatives n’ont pas été accompagnées d’une expansion majeure ni d’une volonté de développement à long terme. Si Trump revient à la Maison Blanche en 2024, la Côte d’Ivoire pourrait voir ses relations avec les États-Unis réorientées vers des engagements bilatéraux plus strictement liés à des résultats tangibles, comme les échanges commerciaux ou la lutte contre le terrorisme, plutôt que de continuer à bénéficier de l’appui multilatéral dans des domaines comme le développement ou l’aide humanitaire.
Un partenariat économique susceptible de se redéfinir
La Côte d’Ivoire, avec sa position centrale en Afrique de l’Ouest et sa croissance économique soutenue, est un partenaire commercial clé pour les États-Unis. Le programme African Growth and Opportunity Act (AGOA), qui permet aux pays africains, dont la Côte d’Ivoire, d’accéder aux marchés américains sans droits de douane, est l’un des principaux moteurs de cette relation. Toutefois, sous l’administration Trump, la question des retombées économiques de cet accord pourrait être reconsidérée. Trump pourrait chercher à réévaluer ce type de partenariat, en se concentrant sur des accords plus rentables pour les États-Unis et en privilégiant des échanges commerciaux où les bénéfices pour son pays sont clairement mesurables. Si les avantages perçus pour l’économie américaine sont jugés insuffisants, il n’est pas exclu que la Côte d’Ivoire se voie imposer de nouvelles conditions, voire un recul dans l’accès privilégié au marché américain.
Une coopération sécuritaire bilatérale mais ciblée
Sur le plan sécuritaire, les enjeux sont tout aussi significatifs. La Côte d’Ivoire, située dans une région géopolitiquement instable, fait face à des menaces croissantes liées à la montée du terrorisme au Sahel. Les États-Unis ont déjà soutenu plusieurs initiatives sécuritaires en Afrique de l’Ouest, notamment des formations aux forces armées et des interventions antiterroristes. Néanmoins, sous l’administration Trump, cette coopération pourrait prendre une forme plus isolée et ponctuelle. L’ancien président a montré une préférence pour des engagements bilatéraux directs, et il est probable que Trump favorise des interventions spécifiques adaptées aux besoins immédiats de la Côte d’Ivoire, plutôt que de renforcer des structures multilatérales complexes. Cela pourrait signifier un soutien continu dans la lutte contre le terrorisme, mais d’une manière moins institutionnalisée et moins collaborative avec les autres puissances ou au sein de structures régionales comme la CEDEAO.
Une relation susceptible de se stabiliser, mais à travers un prisme plus pragmatique
En fin de compte, même en cas de retour de Donald Trump à la Maison Blanche, il est probable que la relation entre les États-Unis et la Côte d’Ivoire ne connaisse pas de ruptures majeures, mais plutôt des ajustements significatifs. Les priorités économiques et sécuritaires continueront de guider la coopération, mais cette dernière prendra probablement la forme d’engagements plus pragmatiques et orientés vers des résultats immédiats. Les grandes initiatives multilatérales, qui nécessitent des compromis à long terme, pourraient être moins privilégiées au profit de partenariats plus directs et orientés vers la maximisation de l’intérêt national américain.
Pour la Côte d’Ivoire, cela signifie que la diplomatie devra s’adapter à un environnement où la flexibilité et la réactivité seront essentielles. Le gouvernement ivoirien devra non seulement être capable de répondre aux attentes économiques et sécuritaires des États-Unis, mais aussi veiller à diversifier ses partenariats afin de ne pas se retrouver trop dépendant d’un seul acteur. La capacité du pays à ajuster ses priorités et à engager un dialogue constructif avec l’administration Trump sera déterminante pour maintenir une coopération stable et mutuellement bénéfique.
Vers une diplomatie ivoirienne plus agile et pragmatique
En résumé, bien que le retour de Trump à la Maison Blanche ne devrait pas entraîner de rupture radicale des relations entre les États-Unis et la Côte d’Ivoire, il induira probablement un redéploiement des priorités sur la base d’une vision plus centrée sur les résultats. La diplomatie ivoirienne devra s’adapter à un environnement plus transactionnel, où l’efficacité économique et la lutte contre le terrorisme seront les principaux moteurs des relations bilatérales. Ce changement pourrait conduire à une relation plus pragmatique, mais aussi plus exigeante pour la Côte d’Ivoire, qui devra sans doute redoubler d’efforts pour aligner ses intérêts avec ceux d’une administration américaine davantage focalisée sur la maximisation de ses propres avantages.
Fleur Kouadio, Cap’Ivoire avec enquetemedia